Madagascar : présidentielle sous tension ce jeudi / Photo: AP (AP)

Avec Devaux Tanjona à Antananarivo (Madagascar)

Les bureaux de vote ont ouvert ce matin à Madagascar, dès 4 H GMT à l’occasion du premier tour de la présidentielle, dans un climat tendu. Onze millions d’inscrits sont appelés à désigner le futur président de la République.

La veille, le préfet de la capitale, Angelo Ravelonarivo a instauré un couvre-feu de 21 H GMT à 4H GMT, pour prévenir des "actes de sabotage", allusion à l”’incendie d'un bureau" de vote et "la destruction de divers matériaux électoraux" mardi à Antatananarivo, la capitale.

Des 13 candidats retenus pour le premier tour de cette élection de ce 16 novembre, seuls trois ont battu campagne.

L’ancien président candidat, Andry Rajoelina a sillonné les quatre coins de l’Ile avec une armada d’artistes et un show à l’américaine. Il a déployé tous les moyens pour se faire entendre et s’assurer d’une réélection dès le premier tour. Le leader de la révolution orange prône la continuité et n’hésite pas à répondre à ses détracteurs.

Siteny Randrianasoloniaiko, le député de Toliara I, est le second candidat qui n’épargne aucun moyen pour se faire entendre. Il se déclare comme le candidat du renouveau. Comme Andry Rajoelina, Siteny Randrianasoloniaiko dispose lui aussi, d’un budget de campagne manifestement consistant. Les deux candidats ont eu recours à des hélicoptères, avions, et nombreux artistes pour assurer le show.

Le troisième candidat a pour nom Sendrison Raderanirina. Contrairement à ses deux adversaires, sa campagne a été discrète. Ses affiches ne sont même pas visibles dans la capitale. Les trois candidats ont continué leur campagne de séduction à l’adresse de la population jusqu'à la veille de l’élection.

Un collectif de candidats réclame le report du scrutin

Le collectif des candidats continue les marches pacifiques pour réclamer le report de l'élection, le départ des membres de la Haute Cour Constitutionnelle jugés partiaux et de la Commission Électorale Nationale Indépendante.

Cette initiative est partagée par l’actuelle présidente de l’Assemblée Nationale, les plateformes de la société-civile et le Conseil œcuménique des Églises chrétiennes de Madagascar. Une plateforme a été mise en place pour chercher une solution commune et une table ronde pour pouvoir organiser une élection libre, transparente et acceptée de tous. Lundi 13 novembre, six candidats membres du collectif du candidat ont appelé à l’abstention à ses partisans.

"Nous ne sommes pas contre les élections, mais contre celle du 16 novembre", clame le Collectif des candidats.

Les opposants contestent l'éligibilité du président sortant Andry Rajoelina, après un récent scandale autour de sa double nationalité et réclament une suspension du processus électoral.

La presse a révélé en juin que le chef d'Etat sortant avait discrètement acquis la nationalité française en 2014. Selon l'opposition, il a, de ce fait, perdu sa nationalité malgache et ne peut être candidat. La justice a toutefois rejeté les recours réclamant une invalidation de sa candidature.

Le taux d’abstention risque d’être très élevé pour cette élection du 16 novembre. En 2018 lors de la dernière présidentielle, l’abstention était de 46,77% lors du premier tour et de 51,91% lors du second tour.

"À coup sûr, je ne voterai pas jeudi. Je ne veux pas être complice d'un semblant de démocratie. Soit on est démocrate et qu'on suit les règles, soit on ne l'est pas”, a déclaré Mirado Rakotoharimalala, un activiste local, peu avant le vote.

Peur d’une grave crise économique et sociale

À Antananarivo comme dans les autres villes du pays, la population reste très prudente face à une éventuelle crise politique et surtout sociale.

"Nous sentons une grande tension autour des élections présidentielles. Nous sommes au bord d'une énième crise à Madagascar si nous ne sommes pas déjà dedans. Le processus électoral de cette fin d'année 2023 n'assure pas les Malgaches et est loin d'être accepté par les parties prenantes. La Communauté Internationale se préoccupe également de la situation politique à Madagascar. Si on continue à forcer les élections, sans qu'une certaine concertation n'ait lieu, son issue risque de replonger le pays une nouvelle fois dans une impasse qui durera des mois, voire des années" poursuit Mirado Rakotoharimalala.

Observateurs électoraux

Les observateurs électoraux internationaux sont déjà à Madagascar. Ils assureront une mission d’observation avant, pendant et après le scrutin. Le collectif des candidats a rencontré les émissaires de la SADC lundi 13 novembre. Le gouvernement campe sur ses positions à propos de la tenue du premier tour de l’élection de ce jeudi 16 novembre et annonce que toutes les conditions sont réunies

"Je pense déjà à faire des provisions avec les moyens dont je dispose. Je crains surtout d’une crise post-électorale", a déclaré, Malala une entrepreneure de la capitale, Antananarivo.

Indépendante depuis 1960, Madagascar, ancienne colonie française, qui compte parmi les pays les pauvres au monde, a rarement connu une élection sans transition militaire, ni contestation.

Élu en 2018, Andry Rajoelina avait accédé au pouvoir en 2009 à la faveur d'une mutinerie qui a chassé du pouvoir Marc Ravalomanana.


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