Macron et Le Pen sur le terrain, les électeurs de gauche dans le viseur (Reuters)

Le président sortant Emmanuel Macron et la candidate d'extrême droite Marine Le Pen ont enclenché jeudi la vitesse supérieure dans leur opération séduction de l'électorat de gauche de Jean-Luc Mélenchon, arbitre du second tour de la présidentielle française le 24 avril.

Tous deux ont ainsi choisi pour leurs déplacements jeudi des villes ayant placé en tête M. Mélenchon au premier tour dimanche. Au niveau national, ce dernier est arrivé troisième, avec 21,95% des suffrages.

Le président sortant, donné pour le moment gagnant dans les sondages avec 53 à 55% des suffrages, avait opté pour le port du Havre (nord-ouest), où il a défendu les éoliennes, un message clair en direction de la gauche et des écologistes.

"Sortir du renouvelable est une aberration complète, nous serions le seul pays au monde à le faire", a-t-il déclaré à la radio France Bleu. "Dans le projet de Madame Le Pen, avec stupeur, j'ai en effet découvert (...) qu'on dépenserait des centaines de millions d'euros à démonter des éoliennes existantes".

A plus de 800 kilomètres de là, sa rivale tiendra de son côté en fin d'après-midi un grand meeting à Avignon (sud).

Tout comme dans l'en tre-deux tours de 2017, qui avait déjà placé à l'affiche Marine Le Pen et Emmanuel Macron, les voix des électeurs de gauche devraient faire la différence dans les urnes le 24 avril.

Ecologie et retraite

A dix jours du scrutin, le président sortant, qui a recueilli 27,85% des voix au premier tour contre 23,15% à Mme Le Pen, semble partir avec une petite longueur d'avance. Selon un sondage Elabe pour BFMTV et L'Express publié mercredi, 35% des personnes interrogées ayant voté pour M. Mélenchon entendent voter pour M. Macron au second tour, contre 27% pour la candidate d'extrême droite.

Mais 38% des électeurs du leader de la France insoumise (LFI, gauche radicale) n'expriment pas d'intention de vote.

Conscients de l'enjeu, les deux finalistes ont multiplié les sorties sur les sujets étiquetés à "gauche".

Au-delà des éoliennes, Emmanuel Macron a également cité M. Mélenchon sur la planification écologique ou Yannick Jadot, le candidat écologiste, sur l'économie circulaire et la "sobriété".

Lundi, le président-candidat avait aussi lancé lundi un signal à l'électorat populaire, en entrouvrant la porte à un départ en retraite à 64 ans au lieu de 65 ans dans son programme (contre 62 ans actuellement). Une concession inattendue.

Choix cornélien

Marine Le Pen a pour sa part dès dimanche soir vanté un projet de "justice sociale" et de "protection" avant de dénoncer jeudi en Emmanuel Macron "l'homme de la répression brutale de toutes les manifestations, pas seulement des +Gilets jaunes+", mouvement populaire ayant secoué la France fin 2018.

Très courtisé, Jean-Luc Mélenchon, qui a appelé ses électeurs à ne "pas donner une seule voix" à Marine Le Pen, a lancé mercredi en vue du second tour une consultation de ses soutiens qui s'achèvera samedi à 18H00 GMT.

Pour de nombreux électeurs LFI, le choix pourrait se révéler cornélien.

Emmanuel Macron "a joué au pyromane avec l'extrême droite tout au long de son mandat, par calcul, par cynisme, et maintenant le pyromane se fait pompier", a ainsi fustigé un député de ce parti, François Ruffin, dans une interview au quotidien de gauche Libération.

Quant à Marine Le Pen, "sur le social (...) elle joue la partition des +petits contre les gros+ pour mieux racoler nos électeurs", a assuré l'élu, qui précise que le 24 avril sa voix "n'ira pas" à la candidate d'extrême droite.

Des dizaines de manifestations sont prévues en France samedi pour dire "non" à l'extrême droite, à l'appel de nombreuses organisations et de syndicats dont la Ligue des droits de l'Homme ou le Syndicat de la magistrature, avec pour mot d'ordre: "Contre l'extrême droite et ses idées, pas de Marine Le Pen à l'Elysée".

Une centaine d'étudiants ont d'ailleurs déjà manifesté jeudi devant la grande école Sciences Po Paris pour dire "non à l'extrême droite" et alerter sur les questions écologiques et sociales, tandis l'emblématique université parisienne de la Sorbonne était occupée par des étudiants dénonçant le "faux choix" entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Agences