Libye : des manifestants investissent le siège du Parlement à Tobrouk / Archive - AFP (AFP)

La tension est, soudain, montée hier à Derna. Des centaines de manifestants sont descendus dans la rue pour manifester leur colère, à la suite des inondations meurtrières qui continuent d’endeuiller cette ville de l’est de la Libye. La population exige que les autorités rendent des comptes. Le parlement de l’est de la Libye et la municipalité sont sur la sellette.

Des centaines d'habitants se sont rassemblés devant la grande mosquée de la ville où ils ont scandé des slogans hostiles aux autorités de l'Est représentées par le Parlement et son chef Aguila Saleh d’après l’AFP.

"Le peuple veut la chute du Parlement", "Aguila (Saleh) est l'ennemi de Dieu", ou encore "ceux qui ont volé ou trahi doivent être pendus", "Libye, Ni Est ni Ouest, unité nationale", ont-ils scandé.

Dans un communiqué lu pendant la manifestation au nom des "habitants de Derna", ceux-ci ont appelé à "une enquête rapide et à des actions légales contre les responsables de la catastrophe".

Ils ont également demandé "la mise en place urgente d'un bureau de soutien de l'ONU à Derna" et au lancement "du processus de reconstruction de la ville ». Ils ont également plaidé pour que « des compensations des résidents affectés"soient prévues

Le communiqué exige en outre la dissolution du conseil municipal actuel et une enquête sur la gestion des budgets précédents de la ville.

Plusieurs manifestants se sont dirigés vers une maison présentée comme celle du maire honni de la ville, Abdulmonem al-Ghaithi, et y ont mis le feu, aux cris de "le sang des martyrs n'est pas versé en vain", selon des images largement partagées sur les réseaux sociaux et également diffusées par des médias libyens.

La pression populaire est telle que, le chef de l'exécutif dans l'Est de la Libye, Oussama Hamad, a dissous le conseil municipal de Derna, au détriment duquel il a ordonné l'ouverture d'une enquête, a annoncé la télévision libyenne al-Masar.

Les divisions fragilisent la Libye

Le désordre qui règne en Libye n’est pas propice au développement et à l’entretien des infrastructures essentielles comme les barrages de Derna . L’effondrement de cette infrastructure est à l’origine des inondations qui ont dévasté la ville le 10 septembre, faisant 3.338 morts, selon le dernier bilan officiel provisoire communiqué lundi soir par le ministre de la Santé de l'Est, Othman Abdeljalil. Mais le bilan pourrait s’alourdir dans les prochains jours eu égard au nombre élevé des disparus qui d’après l’ONU se comptent par milliers.

Minée par les divisions depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est en effet gouvernée par deux administrations rivales : l'une à Tripoli (ouest), reconnue par l'ONU et dirigée par le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, l'autre dans l'Est, incarné par le Parlement et affilié au camp du puissant maréchal Khalifa Haftar.

Les forces de Haftar s'étaient emparées en 2018 de Derna, alors bastion des radicaux et seule ville de l'Est qui échappait à son contrôle. Mais la méfiance imprègne les relations des autorités de l'Est avec Derna, considérée comme une ville contestataire depuis l'époque de Kadhafi.

Pour autant, les opérations de secours se poursuivent pour retrouver les corps de milliers de disparus présumés morts dans les inondations dans cette ville de 100.000 habitants bordant la Méditerranée.

L'ONU a annoncé lundi que ses agences, notamment l'Organisation mondiale de la Santé, s'efforcent de "prévenir la propagation de maladies et éviter une deuxième crise dévastatrice dans la région", alertant sur un risque provenant de "l'eau contaminée et le manque d'hygiène".

Les mines anti-personnelles exhumées à la suite des inondations constituent aussi un réel danger pour les populations.

Des secours à l'œuvre

Des secouristes envoyés par les Émirats arabes unis se sont réunis lundi matin sur le port de Derna avec leurs homologues libyens pour coordonner les efforts de repêchage de corps en mer, selon l'AFP.

D'autres équipes de plongeurs envoyées par la Russie et la Turquie s'activent dans le même secteur.

Un porte-hélicoptère égyptien qui servira d’hôpital de campagne est arrivé dimanche, avec à son bord des équipes de secours et de sauvetage, selon des médias d'État égyptiens.

La France qui a déployé un hôpital de campagne et envoyé des secouristes à Derna, a annoncé lundi qu'elle allouerait également "4 millions d'euros aux Nations unies pour l'aide d'urgence et la reconstruction en Libye"

L'Union européenne a annoncé de son côté le déblocage de 5,2 millions d'euros pour l'aide humanitaire dans le pays.

TRT Français et agences