Les États-Unis envisagent de débloquer les fonds afghans par le biais d’une banque suisse (Reuters)

Les Etats-Unis ont accepté de débloquer une partie des avoirs afghans gelés depuis l'arrivée au pouvoir des talibans l'an dernier, a appris TRT World de sources sûres.

La somme de 3,5 milliards de dollars sera vraisemblablement remise à la Banque des règlements internationaux (BRI), basée à Bâle, en Suisse, et sa distribution sera ensuite confiée à un système sous contrôle d’une tierce partie a indiqué cette source bien informée.

"Un conseil international d'experts a également été mis en place pour débourser l'argent", a déclaré cette source à TRT World.

L'annonce devrait être faite dans les semaines à venir.

Quelque 9 milliards de dollars des avoirs en devises de la Banque centrale afghane, détenus par les États-Unis et d'autres banques étrangères, ont été gelés après la prise de Kaboul par les talibans le 15 août et le renversement du gouvernement du président Ashraf Ghani soutenu par Washington.

L'administration du président américain Joe Biden a poursuivi les discussions sur la libération des avoirs afghans détenus à l’étranger, en dépit de la présence à Kaboul du chef d'Al Qaïda, Ayman al Zaouahiri, tué le mois dernier.

Le département d'État a toutefois exclu le recours à la recapitalisation de la Banque centrale afghane "à court terme" après la mort de Zawahiri, affirmant que les talibans avaient suscité des inquiétudes en l’abritant, en violation de l'accord de retrait des troupes américaines de 2020.

Selon les termes de cette procédure, la Banque centrale afghane serait en mesure de recevoir les sommes ainsi débloquées comme utilisateur final, en contrepartie d’un "respect rigoureux des protocoles de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, en plus d'une supervision par une tierce partie", a-t-on ajouté de même source.

Le conseil international d'experts est chargé de veiller à ce que toutes ces conditions soient remplies.

Le gouvernement taliban a exprimé sa disposition à accepter une proposition américaine de supervision par un tiers, mais il veut conserver l’autorité sur l’usage de cette prérogative.

"Les réserves gelées sont la propriété du peuple afghan ; ce sont des avoirs que la banque centrale utilise dans ses transactions", a déclaré à TRT World le porte-parole des talibans, Suhail Shaheen.

"Il appartient au peuple afghan de décider de ce qu'il faut faire de ses réserves et de la façon de l'utiliser. Toute décision unilatérale concernant les réserves de la banque centrale afghane est illégale en l’absence de son consentement."

Un désastre humanitaire

Les États-Unis ont dû faire face à la pression de militants des droits de l'homme et de la diaspora afghane pour libérer des fonds destinés à soulager la catastrophe humanitaire qui se déroule dans le pays ravagé par la guerre.

Pour les États-Unis et leurs alliés occidentaux, qui refusent jusqu'à présent de reconnaître le gouvernement taliban, l’objectif était de trouver un moyen de dépenser ces fonds sans laisser aux talibans l’opportunité de mettre la main dessus.

"Le déblocage de ces fonds est important pour alléger les souffrances du peuple afghan qui a du mal à payer pour des besoins de première nécessité", a déclaré à TRT World Shah Mehrabi, un professeur d'économie afghan américain et membre du Conseil supérieur de la Banque centrale afghane.

M. Mehrabi a mis l’accent sur l’importance de déterminer les modalités de versement des fonds afin de "ramener la stabilité des cours et réduire la volatilité des échanges".

Discussions en cours

Des discussions seraient en cours entre les États-Unis et la Suisse concernant la création d’un Fonds d’affectation spéciale qui pourrait faciliter le déblocage des avoirs.

La majorité des avoirs afghans à l’étranger -environ 7 milliards de dollars- sont détenus par la Banque fédérale de réserve de New York.

Les négociations visant à débloquer les fonds nécessaires pour s'attaquer à ce que l'ONU décrit comme "avenir extrêmement sombre pour les Afghans", ont porté sur les 3,5 milliards de dollars que le président américain Joe Biden devait consacrer à l'Afghanistan.

Les 3,5 milliards de dollars d’actifs afghans restants sous tutelle de la Réserve fédérale ont été affectés, à titre d'indemnisation, aux victimes des attentats du 11 septembre qui avaient conduit à l'invasion de l'Afghanistan par les États-Unis en 2001.

Le gouvernement américain a été critiqué pour avoir saisi les fonds afghans à un moment où la population afghane civile était frappée par la faim et la pauvreté. Nombreux étaient ceux qui ont reproché aux Etats-Unis d’avoir politisé la question des fonds afghans contre les talibans, alors que c'était Al Qaïda qui était responsable des attentats du 11 septembre.

Néanmoins, les familles de 3.000 victimes des attaques contre les tours jumelles de New York et d'autres villes ont réclamé la saisie des avoirs de l'Afghanistan par les tribunaux américains.

En 2012, un juge fédéral américain a accordé aux plaignants ce montant, à l’issue d’un jugement rendu par défaut contre plusieurs membres des talibans, d'Al Qaïda et d’entités iraniennes.

TRT Francais