Image enregistré par une caméra de sécurité montrant des soldats israéliens déguisés attaquant l'hôpital Ibn Sina à Jénine, en Cisjordanie occupée, le 30 janviers 2024 / Photo: AA (AA)

La scène des funérailles islamiques d’un soldat israélien tué dans les combats en cours à Gaza a suscité un tollé parmi une audience non initiée aux singularités du conflit israélo-palestinien. La prière funéraire a été accomplie dans le recueillement, conformément aux rituels islamiques par la famille et proches du soldat Ahmed Abu Latif, dont la dépouille était enveloppée du drapeau israélien !

Abu Latif a été tué avec d’autres soldats de l'armée d'occupation alors qu'ils s'apprêtaient à faire exploser et piéger plusieurs maisons palestiniennes dans le camp de Maghazi, au centre de la bande de Gaza.

S’enrôler dans l’armée de la puissance occupante comme moyen d’intégration pour les autochtones et l’accès aux droits n’est pas un phénomène nouveau. C’était vrai du temps des empires de l’antiquité, ça l’est encore. Mais le cas d’Abu Latif est atypique. Il se serait emballé au point d’écrire sur son compte Facebook qu’il était "fier d’être israélien". Son oncle a même confié à une chaîne israélienne que son neveu cherchait désespérément à participer à la guerre à Gaza.

"Le danger que l’on ne voit pas"

Les "Musta’aribeen" pour les Palestiniens, "Mista'arvim" pour les Israéliens, ou encore "escadrons de la mort" pour faire plus martial, sont des unités spéciales dont les éléments sont recrutés sur la base de leurs trait physiques similaires à ceux des Palestiniens et leur connaissance de la culture et de la langue autochtones. Leur apparence leur permet d’infiltrer les populations ou organisations ciblées, après s’être accoutrés de keffieh et de vêtements palestiniens. Ce sont souvent des "Musta’aribeen" qui brisent les rangs des manifestants, se retournent contre les protestataires, ou alors enlèvent des blessés ou des militants recherchés…

Les premiers groupes d’Arabisés ont été formés bien avant la création de l’État d’Israël, dans les rangs de gangs sionistes tels que la Haganah, l'Itzal et le Lehi. Dans les années 1930 déjà, des unités sont composées de soldats à la peau basanée et aux traits moyen-orientaux auxquels on faisait subir un entraînement spécial dans une base sous forme de village factice, pour y apprendre les coutumes, la culture et le quotidien des Palestiniens.

Les gangs du Haganah ont commis d’innombrables massacres contre les populations palestiniennes et éradiqué pas moins de 400 villages sous le mandat britannique (AFP)

Ces unités d'infiltration étaient constituées de Juifs issus de communautés juives orientales. Pour mieux s’imprégner, ils s’assimilaient pendant de longues périodes dans les villages et sociétés arabes en se faisant passer pour des chercheurs, anthropologues ou même fermiers…

En mai 1941, la première unité d'infiltration a été créée sous le nom Palmach et avait pour mission d’exécuter des opérations d'espionnage et de sabotage à l'intérieur de la Palestine historique et des pays voisins, entre 1943 et 1950. Cette formation d’élite faisait partie des gangs du Haganah qui ont commis d’innombrables massacres contre les populations palestiniennes et éradiqué pas moins de 400 villages sous le mandat britannique.

Spécialistes de basses besognes

Des rôles particulièrement importants durant les soulèvements populaires où le recours à l’infiltration et au sabotage s'impose pour disperser les rangs des insurgés leur étaient assignés. À titre d’exemple, les agents infiltrés incitent les jeunes à commettre des actes qui justifient leur arrestation et leur emprisonnement, ou passent eux-mêmes à l’acte afin d'enflammer les foules et permettre aux forces israéliennes de les réprimer violemment.

Mais ces agents peuvent se voir confier les tâches les plus délicates. Il n’est pas rare qu’ils se fassent passer pour des équipes médicales, des ambulanciers ou des journalistes pour arriver aux personnes recherchées afin de les arrêter, voire les exécuter sur les lieux.

L’expérience de ces éléments s’est montrée également utile dans des opérations d’infiltration de groupes de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes où ils établissaient des relations avec les prisonniers pour leur soutirer des informations utiles ou des aveux qui permettraient leur incrimination.

Les unités d’élite dites "Metsada", armées de fusils d’assaut et d’armes légères, comptent dans leurs rangs de tels éléments dont les compétences peuvent s’avérer utiles pendant une rébellion ou prise d’otage.

De par leur nature, ces unités échappent à toute affiliation officielle, permettant ainsi aux autorités de l’occupation de se soustraire à toute responsabilité juridique de leurs actes. L’appareil militaro-sécuritaire peut faire appel à elles pour exécuter les besognes les plus infâmes comme la prise d’assaut des hôpitaux, les incursions de domiciles ou de bâtiments civiles pour enlever ou assassiner des personnalités politiques ou des leaders d’opinion, même quand ils ne présentent aucun danger sécuritaire.

Du déni aux confessions

De telles pratiques n’épargnent même pas les Palestiniens des "zones 48" faisant partie d’Israël, même s’ils sont officiellement classés comme citoyens. Le journal Haaretz a révélé que la police israélienne avait formé une unité secrète pour l’infiltration des "Arabes israéliens", dans le but d'établir une infrastructure de renseignement afin d’élaborer des politiques propres à ces populations.

Ces opérations ne présentaient aucune source d’inquiétude pour l’appareil sécuritaire israélien tant qu’elles étaient enveloppées dans un brouillard épais. Or les groupes de résistance palestinienne ont développé leurs méthodes et commencé à les démasquer.

Les "Mista'arvim" s’infiltrent dans les rangs des insurgés durant les soulèvements populaires (Getty Images)

En août 1994, lors d’une confrontation dans le camp de réfugiés de Jénine, des hommes armés palestiniens ont réussi à tuer le général Eli Abram, fondateur de l'une de ces unités. Et alors que la seconde intifada (dite d’Al-Aqsa) faisait rage dans les territoires occupés, des manifestants ont reconnu, malgré leur déguisement, des individus qui portaient des armes et n'avaient pas de cartes d'identité palestiniennes, de sorte que les forces israéliennes ont dû intervenir avec violence contre les manifestants pour délivrer ces soldats infiltrés.

Ces dernières années, les médias israéliens ont publié des témoignages d’anciens membres de ces commandos et des ouvrages qui ont révélé des détails abjects de leurs opérations. Nombreux sont ceux qui présentent les signes de traumatismes psychologiques et certains ont même intenté des procès contre l'armée israélienne et réclament des compensations.

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