la police allemande a fort à faire face aux débordements de l'Extrême-droite / Photo: AA (AA)

Au rythme de plusieurs rassemblements par jour depuis une semaine, la mobilisation contre l’extrême droite gagne l’Allemagne. Jusqu'à dimanche, une centaine de manifestations sont encore annoncées, souvent sous le mot d'ordre "Ensemble contre l'extrême droite".

C’est le média d'investigation allemand Correctiv qui a déclenché le mouvement le 10 janvier, en révélant qu’une réunion tenue en novembre à Potsdam, près de Berlin, avait mis sur la table un projet d'expulsion massive de personnes d'origine étrangère.

Parmi les participants se trouvaient une figure de la mouvance identitaire radicale, l'Autrichien Martin Sellner, et des membres de l'AfD.

L'histoire a choqué un pays qui semblait avoir accepté comme une fatalité l'envolée dans les sondages de cette formation hostile aux migrants créée il y a 11 ans.

Cette "réunion scandaleuse" a ravivé "la peur de déportations de millions de citoyens ou non-citoyens, une peur qui fait partie de l'héritage critique du national-socialisme", explique Hajo Funke, politologue spécialisé dans l'extrême droite.

Quelques jours après ces révélations, environ 20.000 personnes manifestaient à Berlin et 10.000 à Potsdam, dont le chancelier social-démocrate Olaf Scholz et la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock. Les militants et organisations ayant appelé à ces rassemblements semblaient les premiers surpris par l'affluence.

Fin de la "normalisation

Elle semble témoigner d'une mobilisation de "la majorité silencieuse" pour la défense de la démocratie que le président des services de renseignements intérieurs (BfV) Thomas Haldenwang a appelée de ses vœux récemment. .

Les manifestations "sont encourageantes et montrent que nous, démocrates, sommes plus nombreux que ceux qui veulent nous diviser", a commenté Olaf Scholz.

L'AfD a profité ces derniers mois du sentiment d'insécurité de la population résultant d'un nouvel afflux de migrants dans le pays et des querelles permanentes entre les trois partis de la coalition gouvernementale, sur fond de récession économique et d'inflation élevée.

La formation s'est solidement installée en deuxième position dans les intentions de votes (autour de 22%) derrière les conservateurs.

Dans ses bastions de l'ex-RDA, elle arrive même en tête avec plus de 30% dans les trois Länder de Thuringe, Saxe et Brandebourg où se tiennent en septembre des élections régionales.

Après le choc de 2017 qui a marqué son entrée au parlement, l'AfD s'est intégré dans le paysage politique, même si tous les partis excluent de s'allier à lui.

Il est mené par un duo de dirigeants qui dit représenter le centre bourgeois conservateur.

Depuis la réunion de Potsdam, "cette normalisation du parti est terminée", juge M. Funke, même si le parti a dit ne pas endosser le projet de "remigration" présenté par Martin Sellner.

Le scandale a révélé "le vrai visage" du parti, a jugé de son côté le co-chef du SPD Lars Klingbeil lors d'un débat au Bundestag.

Interdire l'AfD

Les voix demandant son interdiction, portées surtout par le parti du chancelier, se multiplient.

Même si elle a peu de chances d'aboutir, une pétition demandant que les droits constitutionnels de Björn Höcke, chef de l'AfD en Thuringe et considéré comme l'homme fort du parti, lui soient retirés a par ailleurs recueilli plus d'un million de signatures après les révélations de Correctiv.

Dans son Land, le parti a été placé sous surveillance renforcée, les services de renseignements jugeant qu'il défend des positions anticonstitutionnelles. C'est le cas aussi de la branche du Saxe-Anhalt, également dans l'est, et de l'organisation des jeunes de l'AfD dans le Brandebourg, le Land autour de Berlin.

Dans ce contexte, "l'Etat a le devoir d'étudier une éventuelle interdiction de l'AfD", a soutenu l'ex-président social-démocrate du Bundestag Wolfgang Thierse.

Le lancement d'une procédure en ce sens -très longue et compliquée- est toutefois vu d'un œil sceptique par la plupart des observateurs qui craignent qu'un échec nourrisse davantage la popularité de l'AfD.

Mais "s'il est prouvé qu'un parti veut transformer le pays en un Etat fasciste, il doit être interdit, quelle que soit sa force", a préconisé le vice-chancelier écologiste Robert Habeck dans un entretien au magazine Stern.


TRT Français et agences