Les agriculteurs bloquent l’accès à Paris / Photo: Reuters (Reuters)

“On vous soutient les agriculteurs !” La fenêtre de sa voiture ouverte, une automobiliste exprime son soutien et klaxonne en croisant la centaine d’agriculteurs qui bloquent l’autoroute A15 en direction de Paris, au nord-ouest de la capitale, entre Argenteuil et Aubervilliers.

Les agriculteurs ont en effet répondu présent lundi à l’appel du syndicat FNSEA et des Jeunes Agriculteurs qui invitent à bloquer les accès à Paris à travers 8 barrages routiers.

Une cinquantaine de tracteurs étaient à l’arrêt sur l’autoroute, encadrés par des barrages de forces de l’ordre. “Il y a une bonne ambiance avec la police. Ils sont là pour nous protéger et éviter tout risque”, déclare Léonard Garcia, 19 ans, apprenti en BTS dans une ferme de Guiry en Vexin, en évoquant le souvenir de l’agricultrice âgée de 35 ans, décédée, mardi 23 janvier 2024, après la collision avec une voiture qui a forcé un barrage routier mis en place par des syndicats agricoles sur un axe du département de l'Ariège.

“Tout est calé avec le préfet”, poursuit le jeune homme. “Pour autant, on va rester sur le barrage jusqu’à ce qu’on ait une réponse satisfaisante des autorités à nos revendications, deux semaines s’il le faut, renchérit Guillaume Bossu, 22 ans, qui gère une exploitation céréalière de 120 hectares à Magny en Vexin, depuis la mort de son père, il y a deux ans.

Venus en tracteur, lors d’une opération escargot de son exploitation jusqu’au point de blocage, les deux jeunes hommes expliquent avoir tout ce qu’il leur faut pour tenir : des matelas, à manger, à boire, du bois pour se chauffer… Une voiture passe en klaxonnant : “Allez les gars, on est avec vous”, hurle un automobiliste en passant. “Nous sommes contents de voir qu’on est soutenus car ça n’a pas toujours été le cas”, se réjouit le jeune homme, qui avait déjà manifesté sur un blocage vendredi dernier, de 14h à minuit. “On a reçu quelques insultes, mais c’est peu, par rapport aux 90% de la population française qui nous soutiennent. On ne cherche pas à embêter la population”.

Embouteillage de tracteurs en route vers Paris / Photo : Anne Ilcinkas (Others)

Céline Helleisen, exploitante à Santeuil, dans le Val d'Oise, abonde dans son sens. “En venant jusqu’ici, on a eu des gestes de sympathie, des klaxons, des sourires, et ça fait du bien car on se sent reconnu. En effet, à un moment donné, on était complètement délaissés par rapport à la population française. Et là, aujourd’hui, ils nous montrent que non, on n’est pas des oubliés”.

“Pour l’instant c’est cogéré avec les forces de l’ordre”, déclare de son côté Godefroy Potin, 45 ans, céréalier à Cergy, dans le Val d'Oise. Elles ont accepté qu’on vienne là. On n’a rien forcé. Il y avait des zones qui nous étaient interdites, comme Rungis ou les aéroports. On en a pris acte”.

“Il y a un ras le bol général. Déjà par rapport à la céréale, on a payé des engrais très onéreux, et aujourd’hui, au moment de la vente de blé, les prix ont été divisés par trois, et on ne gagne plus notre vie”, explique Céline Helleisen, l’une des rares femmes sur le barrage.

Parmi les revendications de l’exploitante de 45 ans, “une simplification administrative, moins de normes qui nous étouffent, moins de charges, moins de concurrence des marchés extérieurs qui nous écrasent, que le prix de notre production céréalière soit payé correctement. Parfois, on n’arrive pas à dégager un salaire, car c’est trop difficile”.

“Aujourd’hui, être agriculteur, c’est une passion, dit-elle encore. Mais la passion ne suffit plus. On veut aussi vivre de ce qu’on produit. On veut bien nourrir la population, mais on voudrait aussi nous-mêmes nous nourrir”, poursuit l’agricultrice, qui cumule trois emplois, productrice de vaches charolaises, de volailles, de céréales et de maraîchage, vente directe des produits et paysagiste, pour tirer un revenu honorable.

“L’agriculture en France est menacée, il y a beaucoup d’agriculteurs qui se suicident”, déplore encore Céline Helleisen, qui pointe aussi “la baisse du pouvoir d’achat des Français qui ne peuvent pas forcément se permettre de bien manger”.

“Pas d’agriculture, pas de nourriture !” “Sauvons l’agriculture, la France a faim !”

“Pas de pays sans paysans !”, “Paris, on arrive” sont les slogans affichés sur les tracteurs bleus ou verts.

Blocage de l'autoroute en direction de Paris / Photo : Anne Ilcinkas (Others)

Concernant le reproche qui leur est fait de lutter contre l’écologie en répandant des engrais chimiques, Céline Helleisen se défend : “Je pense qu’on a fait de grands pas. On est aujourd’hui renseignés sur ce qu’on utilise comme produits phyto. Il y a un impact sur notre santé donc on ne va pas faire n’importe quoi. On n’est pas là pour empoisonner les gens. Si on en utilise, c’est parce qu’il y a un besoin. Il nous faut aussi du rendement”.

“Sous couvert d’écologie, il faudrait consommer moins de gazole, mais offrez-nous une solution alternative. On nous met les règles avant les solutions”, revendique Godefroy Potin, membre du conseil d'administration du syndicat agricole FNSEA.

TRT Francais