Le Mali et le Burkina soutiennent le Niger face à toute menace d'intervention militaire/ Photo: Reuters (Reuters)

Les juntes du Mali et du Burkina ont apporté soutien à la junte qui a pris le pouvoir au Niger, alors que la Guinée s’est désolidarisée de la position de la CEDEAO, marquant un contraste avec les appels en faveur d'un retour à la démocratie.

En renversant le président Mohamed Bazoum, l'armée nigérienne a déclenché une onde de choc à travers l'Afrique de l'Ouest, provoquant des tensions avec les alliés occidentaux de Niamey et plaçant ceux-ci en opposition avec la Russie et certains pays de la région.

L'agitation politique s'est aussi propagée au secteur financier, alors que des sources ont affirmé que la banque centrale régionale a annulé une émission d'obligations de 30 milliards de francs CFA (environ 45 millions d'euros) par le Niger prévue lundi sur le marché ouest-africain de la dette.

Cette décision est intervenue après la mise en place de sanctions de la part de l'Union africaine, de l'Union européenne et d'autres puissances qui ont condamné le coup d'Etat contre Mohamed Bazoum, élu démocratiquement.

Alors que les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont imposé dimanche des sanctions au Niger et fixé un ultimatum aux putschistes, les dirigeants militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et en Guinée ont exprimé leur soutien à la junte nigérienne.

Dans un communiqué conjoint lu à la télévision publique des deux pays, le Mali et le Burkina Faso ont prévenu que "toute intervention militaire au Niger sera considérée comme une déclaration de guerre" à leur encontre.

La Guinée refuse d’appliquer les sanctions

La Guinée a annoncé dans un communiqué de presse signé par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), qu’elle refuse "d'appliquer ces sanctions illégitimes et inhumaines contre le peuple frère et les Autorités nigériennes, et exhorte la CEDEAO à revenir à de meilleurs sentiments".

Conakry considère en effet que “les mesures de sanctions préconisées par la CEDEAO incluant une intervention militaire” relèvent d’une option qui ne saurait "être une solution au problème actuel” et entraînerait plutôt "un désastre humain dont les conséquences pourraient aller au-delà des frontières du Niger".

"Le CNRD souligne qu'une intervention militaire contre le Niger entraînerait de facto la dislocation de la CEDEAO" et se désolidarise formellement des "sanctions prises et des menaces proférées lors du sommet du 30 juillet 2023" à Abuja et qui "n’engagent nullement la République de Guinée".

La CEDEAO a lancé un ultimatum laissant une semaine aux militaires au pouvoir au Niger afin de libérer et restaurer le président déchu Mohamed Bazoum dans ses fonctions.

"Déstabilisation russo-africaine", selon Paris

La junte nigérienne a par ailleurs affirmé que le gouvernement renversé avait autorisé la France à conduire des frappes sur le palais présidentiel pour tenter de libérer Mohamed Bazoum. Des responsables militaires ont aussi accusé Paris d'avoir recouru à la force létale pour disperser dimanche des manifestants devant son ambassade à Niamey.

S'exprimant à la télévision publique, le colonel Amadou Abdramane, l'un des officiers ayant mené le putsch, a déclaré sans apporter de preuve que l'autorisation de mener une opération contre le palais présidentiel a été signée par le ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massoudou, agissant en tant que Premier ministre par intérim.

"Contrairement à ce qu'affirment certains responsables militaires nigériens, aucun moyen létal n'a été utilisé par les forces de sécurité françaises", ont dit dans un communiqué conjoint le ministère français des Affaires étrangères et le ministère français des Armées, dénonçant une attaque contre l'ambassade "par des groupes visiblement préparés".

Le Quai d'Orsay a fait savoir dans une déclaration à Reuters que la France n'avait pas "d'autre objectif" que la sécurité de ses ressortissants dans le pays, une priorité de nouveau soulignée aussi par Emmanuel Macron.

Le président français suit "activement la situation", a indiqué l'Elysée, ajoutant qu'il a échangé à "plusieurs reprises" avec Mohamed Bazoum et Mahamadou Issoufou ainsi qu'avec les dirigeants de la Cédéao.

D'après le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), la junte a arrêté lundi les ministres des Mines, de l'Intérieur, du Transport ainsi qu'un député.

Le dirigeant de l'ancien parti au pouvoir et ministre du Pétrole, Mahamane Sani Mahamadou, qui est aussi le fils de l'ancien président Mahamadou Issoufou, a également été arrêté, a ajouté le PNDS-Tarayya.

Ces arrestations viennent confirmer la nature "répressive et dictatoriale" du coup d'Etat, a indiqué dans un communiqué le parti, qui a demandé aux citoyens nigériens de se rassembler pour protéger la démocratie.

Agences