Motaz Azaïza, photoreporter palestinien a recu, le 4 juin, le Prix Liberté, à Caen (Instragram @motaz_azaiza) (Others)

Un prix et des attaques. Le 4 juin, le photoreporter palestinien, Motaz Azaïza, a reçu le Prix Liberté 2024 et un chèque de 25 000 euros lors d’une cérémonie au Zenith de Caen (Calvados). A 25 ans, le journaliste, qui a grandi dans la bande de Gaza, est devenu une figure mondiale, le visage même des Gazaouis bombardés par Israël, de manière indiscriminée depuis le 10 octobre. Avec ses 18 millions d’abonnés sur Instagram, Motaz Azaïza, au-delà de raconter son propre quotidien entre la peur et les obus, a réalisé un véritable travail de journaliste, documenté et distancé. Un travail reconnu et récompensé par un panel de 14 000 jeunes de 116 pays à travers le monde.

Porté par l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix, le Prix Liberté, parrainé par la Région Normandie, est aujourd’hui dans la tourmente. Après la cérémonie de mardi en présence de Motaz Azaïza, des députés Renaissance sont montés au créneau. Dans une lettre co-signée avec le groupe d’étude de l’Assemblée nationale contre l’antisémitisme, ces membres de la majorité présidentielle nient à M. Azaïza la capacité d’incarner “les valeurs portées par les organisateurs et les partenaires de ce prix”.

Accusant le journaliste d’être proche du Hamas, tous sont vent debout contre ce choix “incompréhensible et inapproprié”, selon leurs dires. L’une des députés signataires, Constante le Grip, a publié la lettre sur son compte twitter. “Apologie du terrorisme”, “refus de qualifier le Hamas d’organisation terroriste”, “propagation de fake news”, la lettre déroule un réquisitoire aiguisé mais peu audible.

Depuis huit mois, les crimes d’Israël se sont multipliés avec un point d’orgue, la demande d’arrêt émise, le 20 mai dernier, par la Cour pénale internationale à l’encontre du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ministre de la Défense, Yoan Gallant, repose sur une enquête collégiale sérieuse et appuyée par des faits. Comment, alors, expliquer la publication de cette lettre dont le vocable reprend, étrangement, celui de l’ambassade d’Israël en France ?

Publié hier, mercredi 5 juin, le communiqué de presse de l’ambassade -relayé par Motaz Azaïza sur ses réseaux sociaux- pose une interrogation en guise d’objet : “Prix Liberté 2024 ou Apologie du terrorisme ?”

Une question rhétorique incapable de produire l’effet escompté tant l’argumentaire est faible et fallacieux. “Soutien affiché au Hamas”, “propagation de contenus anti-israéliens et antisémites sur ses réseaux sociaux”, “apologie du terrorisme”, les mots sont aussi forts qu’ils sont creux. Surtout, ils glissent sur une jeunesse mondiale qui a tenu à récompenser celui qui les a embarqués pendant 107 jours dans l’enfer de Gaza avant d’être évacué avec sa famille vers le Qatar. Inaudible à son impact, hermétique à son travail de terrain, l’ambassade, tout comme les députés signataires, appelle les organisateurs à “reconsidérer leur position et à retirer cette récompense morale et financière à un sympathisant du Hamas”.

Du côté des organisateurs, l’étonnement prédomine. La volonté de résister à ces pressions, également. L’Institut international des droits de l’Homme et de la paix, dans une interview à TRT français, insiste sur la dimension collective de ce prix.

“Ce prix résulte d’un processus réuni enclenché après un appel à candidatures destiné à des jeunes de 15 à 25 ans”, explique-t-on à l’institut.

Au total, 512 propositions de lauréats du monde entier ont émergé. “Un jury composé de 24 jeunes sélectionnés, de 13 personnalités et d’un président, le photographe de guerre Patrick Chauvel, a examiné les propositions. Au terme de débats chapeautés par P. Chauvel, les jeunes se sont mis d’accord sur trois lauréats potentiels : Motaz Azaïza, Noura Ghazi, avocate syrienne, et Maria Kolesnikova, artiste russe”, détaille l’équipe de l’Institut.

Une démarche transparente dont la visée pédagogique reste la boussole. Comme le rappelle un membre de l’Institut sous couvert d'anonymat. “Le Prix Liberté comporte un volet pédagogique avant tout. Il traduit nos valeurs d’éducation aux droits de l’Homme, aux médias et surtout, c’est le fruit d’un travail de terrain. Nous sommes en collaboration avec une trentaine d’établissements scolaires en Normandie à qui nous proposons des interventions en classe et du matériel pédagogique”, souligne-t-il.

“Si nous sommes une organisation apolitique, nous luttons contre la désinformation”, évitant, “tout commentaire officiel” sur les procès en terrorisme faits à Motaz Azaïza, lauréat 2024. “Le Prix n’est pas décrié, c’est bien sa personne. Mais, il faut rappeler qu’il a été choisi après un vote international auprès de 14 000 jeunes dans 116 pays”. Un choix qui montre, en creux, la fracture générationnelle concernant la question palestinienne.

TRT Francais