Mohammed Rabbani (Others)

Le directeur de l’ONG CAGE, basée au Royaume-Uni, Muhammad Rabbani, a eu la mauvaise surprise, à son arrivée le 11 juillet dernier, à l’aéroport de Roissy, de se voir refuser l’accès au territoire Français, en vertu d’un arrêté pris le 31 octobre 2022 par le ministère de l’Intérieur, sans pour autant qu’il ne lui ait jamais notifié auparavant.

Le document, consulté par Anadolu, accuse en outre l’activiste de tenir “des propos calomnieux et complotistes, dénonçant une supposée persécution islamophobe et une surveillance de masse dont seraient coupables les Etats occidentaux et plus particulièrement la France”.

Le ministère de l’Intérieur justifie sa décision en assurant que “l'ONG CAGE est également engagée dans la diffusion de thèses similaires” en dénonçant «”la persécution des musulmans par I'Etat en France”.

Dans un entretien à Anadolu, Muhammad Rabbani, figure européenne reconnue de la lutte contre l’islamophobie, concède avoir déjà été condamné par la justice, mais souligne que sa peine a été prononcée après qu’il a refusé de donner les codes d’accès de son téléphone et de son ordinateur aux services de police britanniques.

Il affirme que le 11 juillet, à son arrivée en France, il a été transféré ”dans une cellule de police, puis dans un centre de rétention administrative pour migrants”.

“Ce n'est que le lendemain, vers midi, que la police m'a informé de l'interdiction de territoire et m'a notifié la décision du ministère de l'Intérieur. En le lisant, j'ai découvert que l'interdiction avait été mise en place en octobre 2022”, poursuit le militant associatif.

Muhammad Rabbani considère qu’il s’agit “d'une réponse autoritaire à la critique de la politique gouvernementale” qui “s'inscrit dans l'objectif global de ce que la France appelle la politique d'”entrave systématique”, en ce sens qu'elle cherche à mettre fin à tout débat et à toute discussion publique sur la politique intérieure de la France à l'égard des minorités ethniques et religieuses ».

“En 2021, la France avait déjà fermé plusieurs organisations musulmanes et associations caritatives et mon interdiction doit, donc, être interprétée comme une extension de cette politique visant à faire taire des opposants » analyse-t-il.

Le directeur de CAGE, qui a déjà fait annuler par la justice une précédente interdiction similaire, étudie désormais la possibilité d’une nouvelle procédure devant le tribunal administratif pour contester le nouvel arrêté.

Selon Muhammad Rabbani, cette décision du ministère de l’Intérieur est directement liée à une conférence sur les droits de l'homme organisée devant l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et au cours de laquelle il a “mis en lumière des statistiques et des schémas inquiétants concernant la stigmatisation et la répression systématiques dont font l’objet les musulmans en France”.

“La société civile musulmane est systématiquement ciblée. Ces dernières années, le gouvernement a adopté de nombreuses politiques en ce sens comme la loi séparatisme ou la charte des imams de France, entre autres. Toutes ces mesures se concentrent sur une communauté religieuse - ce qui constitue une discrimination évidente - et cherchent à contraindre cette communauté à renoncer à ses droits fondamentaux”, déplore le dirigeant de CAGE.

D’un point de vue plus global et concernant la mention de la question du risque terroriste dans plusieurs procédures visant des personnalités musulmanes en France, sans pour autant qu’elles n’aient jamais été condamnées pour de tels faits, Muhammad Rabbani pointe une volonté de “criminaliser” les “dissensions politiques” des musulmans en «”faisant de la conscience politique musulmane un danger sécuritaire global”.

“Sa déconstruction demeure possible : elle nécessite un travail politique de fond et un militantisme courageux. Ce travail doit éviter les compromis faciles empêchant l’épanouissement de la communauté musulmane sur le long terme”, conclut le dirigeant de CAGE.

À noter que depuis plusieurs années, la France a dissous de nombreuses associations musulmanes, fermé de mosquées ou encore expulsé des imams. La loi contre le “séparatisme” a permis de faciliter les modalités de ces procédures et d’en étendre les motifs.

AA