Un porteur de flambeau court avec la flamme olympique lors du relais de la flamme olympique à Fort-de-France, sur l'île française de la Martinique, dans les Caraïbes. / Photo: AFP (AFP)

"On a été saisis par beaucoup de médecins et de directeurs d'hôpitaux: de tous les coins de France, des professionnels nous ont alerté", rapporte Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté dont les services psychiatriques.

Mme Simonnot veille, au nom de l'Etat mais indépendamment du gouvernement, au respect des droits des personnes privées de libertés. Cela inclut les patients hospitalisés contre leur gré, dont le traitement suscite l'inquiétude à un mois des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.

Car, de Bordeaux à Nantes en passant par Mulhouse, un scénario se répète systématiquement. A chacune de ces étapes du parcours de la flamme olympique, la préfecture demande aux établissements de santé de reporter les sorties de patients jugés potentiellement dangereux.

"En raison du passage de la flamme olympique dans le Haut-Rhin le 26 juin prochain, des mesures d'attention particulière sont attendues concernant les individus atteints de troubles psychiatriques", dit une note de l'Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est, précisant bien avoir été rédigée "à la demande de la préfecture".

Pendant deux jours, il a été explicitement demandé un "report des sorties non accompagnées (et) accompagnées" sauf certains rendez-vous médicaux.

"Pourquoi on les empêche de sortir au moment au moment du passage de la flamme ? C'est assez tragique, quand on vante des Jeux paralympiques avec l'inclusion des handicapés", regrette Mme Simonnot qui a adressé un courrier au ministère de l'Intérieur.

Une "dérive"

Ces mesures s'inscrivent dans un contexte où les autorités mettent en oeuvre un important dispositif sécuritaire en vue des JO.

De plus, plusieurs drames ont récemment attiré l'attention sur le suivi de malades potentiellement dangereux. Fin 2023, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin avait ainsi pointé un "ratage psychiatrique" après une attaque mortelle au couteau près de la tour Eiffel.

On assure du côté des autorités qu'aucune consigne nationale n'a été donnée quant à des restrictions liées au passage de la flamme ou pendant la période des JO.

Pour nombre de médecins, c'est en tout cas un contresens de rogner sur les libertés des patients, serait-ce au nom de la sécurité publique.

"C'est une dérive qui doit être dénoncée", estime auprès de l'AFP le psychiatre Frank Bellivier, lui-même délégué à la psychiatrie au ministère de la Santé. "C'est inacceptable car ça assimile d'office le malade mental à quelqu'un de dangereux."

Car souligne-t-il, c'est le psychiatre qui est compétent pour déterminer si un patient est trop dangereux pour sortir. Or, ce qui choque les médecins et les proches dans le cas présent, c'est que les instructions préfectorales s'appliquent a priori et sans distinction.

"On est dans une logique de principe de précaution: c'est une stigmatisation maximum, qui marque au fer rouge les personnes atteintes de troubles psychiques", regrette auprès de l'AFP Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Unafam, association qui regroupe des proches de malades mentaux.

Comme nombre de psychiatres, elle souligne le caractère délétère de telles privations de liberté pour le rétablissement des patients concernés.

Certes, les mesures n'ont pour l'heure duré que quelques jours, le temps que la flamme traverse les zones concernées. Mais l'inquiétude porte désormais sur la période des Jeux elle-même, bien plus longue puisqu'elle durera du 26 juillet au 11 août pour la partie olympique et du 28 août au 8 septembre pour le volet paralympique.

Agences