France : un ressortissant turc en garde à vue meurt asphyxié (AA)

Merter Keskin, ressortissant turc de 35 ans, est décédé après avoir été asphyxié par un plaquage ventral exercé par un policier pendant sa garde à vue au commissariat de Sélestat (Alsace), a-t-on appris jeudi de source proche du dossier.

Les faits se sont produits le 13 janvier 2021 mais l’affaire n'a pas été détectée par les radars médiatiques et n’a ainsi jamais été ébruitée.

Récit des faits

Sur les images de vidéosurveillance que nous nous sommes procurées, la victime est menottée et mise sur le ventre par les forces de l’ordre qui utilisaient la très controversée méthode du « plaquage ventral » qui a déjà provoqué de nombreux décès.

L’un des fonctionnaires de police l’écrase dans un premier temps avec son genou pour l’empêcher de bouger, avant d’être rejoint par deux autres collègues qui tentent de l’immobiliser.

Pendant presque trois minutes, les policiers essaient d’ouvrir les menottes du gardé à vue sans s’apercevoir qu’ils n’ont pas la bonne clé.

C’est alors qu’apparaît, un autre policier avec le bon trousseau de clé tandis que ses collègues maintiennent toujours Merter Keskin plaqué sur le ventre.

C’est seulement à ce moment-là qu’ils s’aperçoivent que la victime ne bouge plus. Un policier soulève son bras, qui retombe comme une masse. L’homme gît, inerte, et ne se réveillera jamais.

Malgré l’intervention des secours, son décès est constaté par le médecin du SAMU à 5 heures le 13 janvier 2021.

Examens médicaux

Selon des éléments contenus dans le dossier et que nous avons pu consulter, le médecin légiste a constaté « un syndrome d'asphyxie modérée » et ne note aucune trace de défense sur le corps du défunt.

L’autopsie a également révélé une cyanose sur le membre supérieur gauche, sur le membre supérieur droit ou encore au niveau de la tête et du cou (coloration anormalement bleutée de la peau pouvant être liée à un manque d’oxygénation du sang).

Sur le certificat de décès, le médecin nous informe que la victime a succombé à un arrêt cardio-respiratoire.

Ce dernier avait par ailleurs consommé des substances illicites qui ont été décelées par les analyses.

Que s’est-il passé avant les faits?

La nuit de son décès, Merter Keskin a été interpellé par un équipage de police après avoir fait l’objet d’un signalement pour des faits de violences conjugales.

Après une courte fuite, il est retrouvé par les fonctionnaires et emmené au commissariat à pied.

À son arrivé, le chef de poste, qui le voit arriver, a expliqué à l’IGPN (Inspection générale de la police nationale) qu’il « avait du sang au niveau de la bouche, (…) ne tenait pas debout, (…) et penchait d'un côté », tandis que « le gardien de la paix et l'adjoint de sécurité le soutenaient pour avancer ».

Avant même d’être orienté vers la cellule de garde à vue, Merter Keskin se plaint à deux reprises de douleurs au niveau du cœur et demande un verre d’eau qui ne lui sera jamais apporté, selon le témoignage d’un des policiers durant son audition.

« Vu son état, comme il saignait de la bouche et qu'il se plaignait de douleurs au cœur, on l'aurait emmené à l'hôpital où on aurait fait appel aux pompiers mais on a pas eu le temps », a pour sa part reconnu un deuxième policier.

L’enquête

Une enquête de l’IGPN a rapidement permis d’auditionner les policiers impliqués et une instruction est en cours et a été confiée à un magistrat pour rechercher les causes de la mort de la victime.

Il reviendra ensuite au parquet de qualifier les faits en fonction des conclusions de la première phase d’investigations.

À noter que cette affaire est rendue publique alors que la France est agitée par de virulents débats sur la question des violences policières et de l’usage de la force par les policiers.

AA