France: quatre ans après les Gilets jaunes, le spectre d’une nouvelle fronde plus que jamais présent

France: quatre ans après les Gilets jaunes, le spectre d’une nouvelle fronde plus que jamais présent

Alors que les prix de l’énergie flambent, l’ombre d’une nouvelle crise sociale plane plus que jamais sur le pays.
France: quatre ans après les Gilets jaunes, le spectre d’une nouvelle fronde plus que jamais présent / Photo: AFP (AFP)

Le 17 novembre 2018 a été marqué par la première mobilisation du mouvement des Gilets jaunes, né d’un mouvement initié sur les réseaux sociaux, principalement en réaction à l’augmentation des prix des carburants.

Très vite, le samedi est devenu un rendez-vous hebdomadaire et les Gilets jaunes, installés sur des ronds-points partout en France, sont restés rassemblés pendant des mois.

Le mouvement a fédéré tous les bords politiques, de droite comme de gauche, et connu une popularité fulgurante, malgré un parcours jalonné par des violences, avant de décliner, en partie à cause de la crise sanitaire.

Depuis, la guerre en Ukraine est passée par là et l’ombre d’une reprise de la fronde populaire, plane plus que jamais sur le pays, avec des prix de l’énergie qui flambent

Prix des énergies et inflation sur l’alimentaire toujours au cœur des inquiétudes

Si dans quelques villes, une poignée d’indéboulonnables militants restent visibles par endroit, le mouvement des Gilets jaunes n’est plus que l’ombre de lui-même.

Pourtant, les prix infligés aux consommateurs dépassent aujourd’hui très largement les niveaux de 2018.

Ce jeudi 17 novembre, alors que l’Etat a baissé depuis deux jours sa ristourne sur les carburants passant de 30 centimes par litre à 10 centimes par litre, il faut désormais débourser près de 2 euros pour un litre de gazole, quand il était à 1,36 euro à l’apparition des Gilets jaunes en 2018.

Pour Cyril, jeune Niçois en charge d’une association sportive, c’est "le parcours du combattant pour remplir le réservoir sans se ruiner".

Le père de famille souligne, dans une déclaration à l’Agence Anadolu, que "la crise des Gilets jaunes a commencé à cause d’un gazole à 1,36 euro" mais qu’aujourd’hui "les Français sont heureux quand ils en trouvent à 1,80 ou 1,90 euro".

Qualifiant la situation de "délirante", il espère que tout "va vite rentrer dans l’ordre, parce que ça pèse très lourd dans les finances" au moment où "tout augmente dans les hypermarchés", y compris "les pâtes, les gâteaux, l’huile, etc".

"On veut bien soutenir l’Ukraine et s’aligner sur la position de notre gouvernement mais le prix à payer commence à être un peu trop élevé", grince de son côté Eloïse, qui l’accompagne.

La jeune éducatrice pointe "les prix de l’énergie qui sont en train d’exploser" et se demande "si dans les rayons, l’augmentation des prix est légitime".

"Je ne comprends pas pourquoi au lieu de nous donner des miettes en guise de réduction, l’Etat ne supprime pas provisoirement les taxes sur les carburants qui représentent presque la moitié du prix qu’on paie à la pompe", s’interroge-t-elle considérant que "la situation est assez grave pour prendre des décisions radicales".

L’Exécutif multiplie les petits gestes

C’est évidemment la ristourne de 30 centimes, passée à 10 centimes, qui est actuellement dans tous les esprits, mais depuis le mouvement des Gilets jaunes, le gouvernement a multiplié les gestes pour tenter d’atténuer la colère des Français.

Après une journée du 2 décembre 2018, particulièrement marquée par les violences, tant du côté des manifestants que du côté des forces de l’ordre, Emmanuel Macron a dû prendre la parole de manière solennelle pour annoncer des "coups de pouce" dans plusieurs secteurs.

Dans un exercice inédit, le chef de l’Etat a dévoilé, le 10 décembre 2018, une batterie de mesures destinées à augmenter le pouvoir d’achat des Français.

Au cours d’une allocution de 13 minutes depuis l’Elysée, il a annoncé l’instauration de "l’état d’urgence économique et social".

Quatre mesures sont alors venues étayer sa volonté d’apaiser les tensions, dont une augmentation de 100€ mensuels sous forme de prime d’activité, aux salariés bénéficiaires du salaire minimum.

Le chef de l’Etat a parallèlement annulé la hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) pour les retraités qui touchent moins de 2000 euros et les heures supplémentaires ont également été défiscalisées.

Des mesures dont la facture s’est élevée à près de 10 milliards d’euros, selon une estimation directement fournie par le gouvernement.

Depuis, l’Etat a mis en place plusieurs dispositions durant la crise sanitaire, avec notamment des soutiens conséquents aux entrepreneurs ou encore la prise en charge des indemnités de chômage.

Mais la guerre en Ukraine a rebattu les cartes et l’Exécutif se retrouve face à une situation qu’il n’avait pas anticipée, à savoir des hausses exponentielles des prix dans presque tous les secteurs.

Si le bouclier tarifaire bloquera, dès janvier 2023, l’augmentation des prix de l’électricité et du gaz, les Français sont plus que jamais étranglés par l’inflation.

Le bilan chaotique et la crainte d’une reprise des Gilets jaunes dans tous les esprits

C’est une question qui est aujourd’hui très actuelle : une nouvelle crise sociale va-t-elle secouer le pays dans les prochaines semaines ?

Interrogé par l’Agence Anadolu, un ancien parlementaire de la majorité présidentielle, reconnaît, sous couvert de l’anonymat, que la situation est "explosive et pourrait très vite basculer".

"On est épuisés, et même si on espère que les gens vont protester, on est tellement étranglés par nos rythmes de vie et nos obligations qu’on n’a pas forcément le temps et l’énergie pour se mobiliser immédiatement", confie de son côté une militante niçoise installée à Paris depuis quelques mois.

Et ce qui est évidemment le plus redouté reste la résurgence des violences connues au plus fort du mouvement.

Selon les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur, 1 900 personnes ont été blessées du côté des manifestants, dont 94 gravement.

Le journaliste David Dufresne et le collectif Désarmons-les recensent quant à eux entre 2000 et 3000 personnes blessées dont 82 graves, 152 blessées à la tête, 17 éborgnées et quatre mains arrachées.

AA