Macron et Le Pen occupent le terrain (Durand Thibaut/ABACA)

Dès le lendemain du premier tour de la présidentielle en France, les deux finalistes, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, occupent le terrain pour aller chercher les voix des électeurs, notamment à gauche, avant un deuxième tour le 24 avril qui s'annonce serré.

Arrivé en tête dimanche avec 27,85% des voix, plus de quatre points devant la candidate du Rassemblement National (23,15%), le président sortant et candidat centriste s'est rendu dans le nord, où sa rivale d'extrême droite a un ancrage fort.

Lors d'un bain de foule, il a été interpellé sur son projet controversé de reporter à 65 ans de l'âge de la retraite.

"J'ai voté pour vous mais je le regrette, vous n'aimez pas beaucoup les retraités", l'a interpellé une femme.

Plus tard dans la journée, le président candidat s'est dit prêt à "ouvrir la porte" à un report de l'âge de départ à 64 ans, plutôt qu'à 65 ans comme cela figure dans son programme, "s'il y a trop de tensions" et que cela peut "bâtir un consensus".

Entré tardivement en campagne en raison de la guerre en Ukraine, avec peu de déplacements et un seul grand meeting, M. Macron sera beaucoup plus présent sur le terrain avant le 24 avril, avec notamment un meeting géant annoncé samedi à Marseille (sud).

Mme Le Pen n'entend pas non plus céder un pouce de terrain et a annoncé un déplacement surprise dans l'Yonne (centre) lundi avec comme thématique "pouvoir d'achat et inflation, conséquences sur les agriculteurs".

Convaincre à gauche

Elle a axé toute sa campagne sur le pouvoir d'achat et fait passer au second plan ses thèmes de prédilection, lutte contre l'immigration et priorité nationale, laissant outrances et saillies radicales à son rival d'extrême droite Eric Zemmour (7,07%).

Une stratégie qui lui a réussi puisqu'elle a réalisé le score le plus élevé de l'extrême droite au premier tour d'une présidentielle.

"Nous abordons ce second tour avec une expérience. Celle d'il y a cinq ans va être très utile", a déclaré lundi Mme Le Pen. "Il faut continuer à se battre, envers et contre tout", a-t-elle dit.

M. Macron et Mme Le Pen ont absolument besoin d'élargir leur base électorale du premier tour, notamment à gauche. Les deux camps ont utilisé la même formule de "tendre la main", en particulier aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon.

Avec 21,95% des voix, M. Mélenchon, leader de la France Insoumise (LFI, gauche radicale), a fait, de très loin, le meilleur score de gauche, avec un électorat jeune et populaire, courtisé par les deux qualifiés du second tour.

Sans appeler à voter Macron, ce dernier a exhorté dimanche soir ses partisans à ne pas donner la moindre voix à Mme Le Pen.

Mais pour Jordan Bardella, président du RN, "il y a beaucoup d'électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui ne veulent pas de la retraite à 65 ans, qui ne veulent pas remettre la politique de la France entre les mains de McKinsey et d'autres cabinets privés et qui je pense (...) voteront pour Marine Le Pen au second tour".

Trois candidats malheureux à gauche, l'écologiste Yannick Jadot (4,63% des voix), le communiste Fabien Roussel (2, 28%), la socialiste Anne Hidalgo (1,75%), ont explicitement appelé leurs électeurs à voter Emmanuel Macron.

Appel aux dons

La candidate de la droite traditionnelle Valérie Pécresse (4,78% des voix) a annoncé pour sa part son intention de voter "en conscience" pour Emmanuel Macron.

L'enjeu va aussi être de mobiliser les électeurs alors que le premier tour a été marqué par une forte abstention (25,14%) et une désagrégation spectaculaire des deux partis historiques français, le parti socialiste et la droite républicaine.

Illustration de cette débâcle, Valérie Pécresse a lancé un appel aux dons pour permettre à son parti de rembourser les frais de campagne et pour "la survie de la droite républicaine". La loi française prévoit en effet un remboursement des frais de campagne très limité pour un parti obtenant moins de 5% des suffrages.

Le point d'orgue de la campagne d'entre deux tours sera le débat télévisé entre les deux finalistes le 20 avril.

En 2017, il avait été désastreux pour Mme Le Pen, apparue fébrile et ne maîtrisant pas les dossiers, et avait contribué à sa défaite face à M. Macron.

Cinq ans plus tard, "C'est un match retour totalement différent", dit à l'AFP estime le politologue Brice Teinturier.

Le président sortant "n'est plus le candidat nouveau qui a incarné une forme de fraîcheur" et Mme Le Pen "n'est plus celle qui génère beaucoup de rejet, elle a travaillé son positionnement en terme d'image, elle apparaît comme beaucoup plus en relation avec les Français", juge-t-il.

Agences