France: l'ex-président Sarkozy suscite un tollé après ses propos sur l'Ukraine / Photo: AP (AP)

Dans un entretien-fleuve au journal Le Figaro mis en ligne mercredi en fin de journée, l'ex-chef d'Etat dézingue tous azimuts les choix de ses successeurs, de l'immigration aux émeutes de banlieue et du Sahel à l'Ukraine.

Quitte à s'afficher en porte-à-faux avec la diplomatie française en défendant le "compromis" avec Moscou, fut-ce au prix de la Crimée pour laquelle "tout retour en arrière est illusoire".

Les répliques n'ont pas tardé. Julien Bayou a ouvert le feu jeudi matin: "Un ancien président ne devrait pas dire ça", a estimé le député écologiste sur la chaîne LCI, fustigeant une interview "lunaire" et "choquante".

Nicolas Sarkozy commet "une faute terrible", mais "on le comprend mieux quand on sait qu'il est acheté par les Russes", a-t-il ajouté, évoquant les liens entre M. Sarkozy et une société d'assurance russe.

Un contrat à 3 millions d'euros, objet depuis 2021 d'une enquête du parquet national financier pour "trafic d'influence" et "blanchiment de crime ou délit". Une preuve de plus de "l'emprise des élites par la Russie" selon M. Bayou, au même titre que les activités dans le pétrole de l'ex-Premier ministre François Fillon et l'emprunt bancaire de Marine Le Pen, cheffe de file de l'extrême droite.

Dans la majorité également, l'eurodéputée (Renew) Nathalie Loiseau a déploré sur X (ex-Twitter) "la dépendance d'une partie de la classe politique européenne aux vues de Vladimir Poutine", tandis que son collègue belge Guy Verhofstadt se demande s'il faut "rire ou pleurer" des déclarations de M. Sarkozy, emblématiques des "erreurs tragiques" vis-à-vis d'une Russie devenue "un Etat terroriste".

"Logique criminelle"

"Trouver une voie de sortie à la guerre en Ukraine, oui. Discuter avec Poutine, non", a pour sa part réagi la députée (Renaissance, parti du président Emmanuel Macron) Natalia Pouzyreff, présidente du groupe d'amitié France-Russie de l'Assemblée nationale.

La ligne officielle n'a pas changé: "La position de la France au sujet de la guerre d'agression russe en Ukraine est bien connue", indique le Quai d'Orsay.

"Aussi longtemps que nécessaire, la France et l'Union européenne seront présentes aux côtés des Ukrainiens", a précisé Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des Affaires européennes du Palais Bourbon.

Le pouvoir ukrainien n'en attend pas moins, rejetant toute velléité de référendum et blâmant la "logique criminelle" de M. Sarkozy, qui "justifie la guerre d'agression" du Kremlin, ce qui équivaut à une "complicité directe", selon Mykhailo Podolyak, conseiller du président Volodymyr Zelensky.

La tonalité est bien différente à Moscou, où l'ancien président russe Dmitri Medvedev qui, à ce titre, côtoya Nicolas Sarkozy, a salué ses "déclarations à la fois audacieuses et justes".

Les spécialistes des relations internationales étaient également circonspects, à l'image de François Heisbourg qui juge que cette "interview pro-Poutine honteuse" pourrait "mettre dans le pétrin" l'ex-président français, "et pas seulement politiquement".

Membre comme lui de la Fondation pour la recherche stratégique, Bruno Tertrais a simplement ironisé sur un entretien qui "pourra faire rire, pleurer ou susciter de la commisération".

Avant de renvoyer vers un ancien collaborateur de M. Sarkozy qui "tape très fort": l'ancien coordonnateur adjoint du renseignement Jérôme Poirot, qui a condamné sur LCI les "propos honteux" de l'ex-chef de l'Etat, qui "n'a aucun recul sur ce qui s'est passé" ni "sur ce qu'il a fait" durant son mandat.

L'invasion de la Géorgie en 2008, malgré son intervention pour bloquer l'adhésion à l'OTAN de ce pays du Caucase, ne l'empêche pas d'affirmer aujourd'hui qu'il connaissait "les lignes rouges de Poutine".

"On tombe de sa chaise", s'est étranglé M. Poirot, interrogeant: "Quelles étaient les lignes rouges du président Sarkozy ? Quelle était la vision qu'il avait de la sécurité de la France ? (...) Simplement satisfaire les desiderata de Vladimir Poutine ?".

AFP