France: la loi immigration largement censurée par le Conseil constitutionnel / Photo: AFP (AFP)

Un mois après son adoption au Parlement, les neuf "Sages" du conseil chargé notamment de se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois ont retoqué la plupart des mesures les plus décriées : durcissement de l'accès aux prestations sociales pour les étrangers non-Européens, quotas migratoires annuels, resserrement des critères du regroupement familial, "caution retour" étudiante...

"Le Conseil constitutionnel valide l’intégralité du texte du gouvernement", a réagi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur X, ajoutant que l'exécutif prenait acte "de la censure de nombreux articles ajoutés au Parlement, pour non respect de la procédure parlementaire".

Et, selon son entourage, le président Emmanuel Macron a demandé à M. Darmanin de "tout mettre en oeuvre" pour "appliquer (la loi) dans les meilleurs délais".

L'exécutif s'attendait à une telle censure puisque de l'aveu même de M. Darmanin, plusieurs dispositions étaient "manifestement et clairement contraires à la Constitution".

A l'inverse, le président du parti d'extrême droite Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, a dénoncé "un coup de force des juges, avec le soutien du président de la République", en jugeant "la loi immigration mort-née" et en appelant à un référendum sur l’immigration.

Pour le RN et le parti de droite Les Républicains (LR, opposition), la large censure du projet de loi relance le débat sur une éventuelle réforme constitutionnelle, qu'ils prônent régulièrement sur les questions migratoires.

Le patron de LR Eric Ciotti l'a jugée "plus que jamais indispensable" tandis que la présidente du groupe RN à l'Assemblée, l'ancienne candidate à la présidentielle Marine Le Pen, qui avait revendiqué une "victoire idéologique" après l'adoption du texte, a estimé que "seule une réforme de la constitution permettra(it) de répondre aux enjeux migratoires qui touchent de plein fouet" la France.

La décision du Conseil constitutionnel, scrutée aussi par les associations de défense des sans-papiers, des collectifs, des juristes, des syndicats, rebat les cartes.

En effet, 35 des 86 articles du projet de loi ont été totalement ou partiellement censurés selon la décision consultée par l'AFP. Le Conseil a estimé pour l'essentiel d'entre eux - 32, précisément - qu'ils n'avaient pas leur place dans ce texte de loi. Il s'agit de "cavaliers législatifs", qui pourraient toutefois réapparaître plus tard dans d'autres textes.

Quotas migratoires inconstitutionnels

Un soulagement pour certains, y compris au sein même de la majorité, dont 27 des 248 députés s'étaient opposés au texte, tandis que le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, tenant de l'aile gauche du gouvernement, démissionnait après son adoption.

"C'est une victoire ce soir", a aussi réagi lors d'un rassemblement associatif près du Conseil constitutionnel le président de l'ONG Amnesty international, Jean-Claude Samouiller.

A gauche étaient évoqués "un camouflet" pour le gouvernement, "une claque, "une leçon d'Etat de droit" et des appels étaient lancés au retrait "d'une mauvaise loi".

"Le gouvernement portera comme une tache indélébile l'appel à voter une loi s'alignant sur les positions historiques de l'extrême droite sous la pression de LR", a commenté Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste.

Le coordinateur du parti La France Insoumise (LFI, gauche radicale),Manuel Bompard a jugé que la loi "totalement amputée" n'avait "aucune légitimité" et devait "être retirée".

Très controversée, la mesure allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales (Allocations logements ou familiales...) a ainsi été totalement censurée.

Idem pour le resserrement des critères du regroupement familial (avec une durée de résidence requise passant de 18 à 24 mois), l'instauration d'une "caution retour" pour les étudiants étrangers ou la fin de l'automaticité du droit du sol pour les enfants d'étrangers nés en France.

L'instauration de quotas migratoires annuels déterminés par le Parlement après un débat obligatoire, elle, a été jugée inconstitutionnelle.

Le projet de loi conserve la structure initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de simplification des procédures pour expulser les étrangers délinquants, l'un des objectifs du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

AFP