France: Agnès Buzyn accuse l'Exécutif d'avoir ignoré ses alertes pendant l’épidémie Covid (Reuters)

Après deux années de silence médiatique, l'ancienne ministre française de la Santé, Agnès Buzyn, a fait des révélations importantes sur la gestion par l'Exécutif de la première vague de Covid-19 en France, au début de l'année 2020.

Mise en examen pour "mise en danger de la vie d'autrui" par la Cour de Justice de la République, dans le cadre d’une enquête sur la gestion de la pandémie, Agnès Buzyn a transmis son journal des faits au quotidien Le Monde.

Celle qui fut ministre de la Santé du 17 mai 2017 au 16 février 2020, souligne, dans ce journal, avoir pris très au sérieux, dès décembre 2019, les informations en provenance de Wuhan, en Chine, où s'était déclarée la pandémie de Covid-19.

"On m’a fait passer pour une idiote qui n’a rien vu, alors que c’est l’inverse. Non seulement j’avais vu, mais prévenu. J’ai été, de très loin en Europe, la ministre la plus alerte. Mais tout le monde s’en foutait. Les gens m’expliquaient que ce virus était une 'grippette' et que je perdais mes nerfs", raconte l'ancienne ministre, évoquant également l'absence de réaction des deux leaders de l'Exécutif français, à ses alertes.

Le Monde rapporte, que le 11 janvier 2020, soit deux mois avant le premier confinement, elle prévient le Président de la République et le Premier ministre.

Le 25 janvier, elle "indique par SMS aux deux têtes de l’exécutif qu’elle souhaite leur parler de l’épidémie".

"Monsieur le PR [Président de la République, NDLR], je suis à votre disposition pour faire un point de situation quand vous le souhaitez", écrit-elle à Emmanuel Macron, en lui glissant qu’à son avis "l’OMS a pris la mauvaise décision de ne pas déclencher une alerte mondiale". Le président ne l’appelle pas. "Bonjour Edouard, j’imagine que tu es au Havre, écrit-elle au chef du gouvernement. Il faudrait que je puisse te faire un point de la situation et te donner mon sentiment sur l’épidémie dans la journée". Le premier ministre Édouard Philippe ne l’appelle pas non plus, apprend-on, dans le quotidien.

Malgré le manque de réaction d'Emmanuel Macron et d'Édouard Philippe, la ministre déploie, très vite, des premières mesures, notamment l'envoi d'une alerte sanitaire aux établissements de santé, selon son journal transmis au Monde.

Le quotidien rappelle, qu'à cette période, "la réforme des retraites et les grèves qui font les gros titres", constituent la priorité des chefs de l'Exécutif, "avec les élections municipales en ligne de mire".

Pour rappel, l'ancien chef de gouvernement, Édouard Philippe, a été placé, au début de ce mois, sous le statut de témoin assisté par la Cour de Justice de la République (CJR), dans le cadre de son enquête sur les responsabilités dans la gestion de l'épidémie de Covid-19 en 2020.

La CJR, qui est la seule juridiction française compétente pour juger les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions, avait ouvert une enquête en juillet 2020, suite à des plaintes déposées par plusieurs associations de victimes de la Covid-19.

Dans le cadre de cette enquête, l'ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn avait été mise en examen par la CJR, le 10 septembre 2021, pour "mise en danger de la vie d'autrui".

L'ONG "Terra Nova" indique que la France a rapporté 65.000 décès par la Covid-19 en 2020, 60.000 en 2021 et 30 000 depuis le début de l’année 2022, à la date du 15 août 2022.

AA