En Algérie, une émission de télévision suscite un engouement sur les réseaux sociaux en venant en aide aux nécessiteux auxquels elle offre un nouveau toit. (DR) (Others)

“Je viens de renaître”. Emue aux larmes et vêtue d’une belle robe blanche bariolée aux motifs kabyles, Melissa découvre sa nouvelle demeure. Cette jeune étudiante de 20 ans, entourée de ses deux frères jumeaux de 16 ans et de plusieurs personnes toutes autant envahies par l’émotion, croit rêver. Moins d’un mois plus tôt, ses deux frères et elle vivaient encore dans une pièce d’une Maison de jeunes de la commune de Tirmitine (Tizi-Ouzou, à 100 Km à l’Est d’Alger).

Néanmoins, elle a, enfin, pu emménager dans une maison flambant neuve, située dans la commune de Makouda, à 30 km de son lieu de naissance. Si Melissa et ses frères, Hassen et Hocine, habitent désormais dans une grande et belle maison, c’est notamment grâce à l’initiative d’un homme : Naïm Soltani.

Ce quadragénaire anime depuis une dizaine d’années l’émission de téléréalité, “El Yed fel yed” (main dans la main) diffusée sur les différentes chaînes de télévisions privées algériennes.

L’ancien animateur radio devenu patron de plusieurs magazines de société, a développé un concept inspiré d’émissions déjà connues aux Etats-Unis et en France. Celui-ci consiste à repérer des familles dont la maison est délabrée ou inachevée.

Avec l’aide de donateurs et de bénévoles, Naïm Soltani s’engage à construire ou reconstruire de nouvelles maisons en un temps record, avec déjà 147 réalisations à son actif. Cependant, la maison de Makouda est “de loin la meilleure”, a avoué Naïm Soltani.

Tout a commencé début mars. L’animateur et son équipe se rendent à Tirmitine, une petite commune rurale située sur les hauteurs de Kabylie. Le ciel est sombre, le sol est toujours trempé par les abondantes pluies de mars et le paysage est pittoresque. Naïm Soltani, parti à la rencontre de Melissa, Hocine et Hassan, ne peut cacher ses larmes devant la détresse des trois orphelins.

Melissa, Hocine et Hassan ont perdu leur mère 8 ans auparavant, des suites d’un cancer du sein. Après son décès, leur père les abandonne. Pour seul toit, ils disposent d’une petite salle qu’ils squattent dans une Maison de jeunes depuis douze ans. Et “heureusement que le maire n’a pas voulu exécuter un arrêté d’expulsion”, se satisfait Naïm Soltani, accompagné d’une assistante et d’un des donateurs de l’émission.

Il écoute le récit de Mélissa, entrecoupé de sanglots. “J’ai perdu espoir”. “Je vous promets : je ne sais pas comment je vais faire, mais vous allez habiter une belle maison !”, soutient l’animateur, envahi par l’émotion.

Le défi est lancé. En l’absence d’une assiette de foncier dans les environs, c’est un habitant d’une autre commune qui répond à l’appel de Naïm Soltani, en faisant donation d’un lot de terrain.

De leur côté, Abdenour Ouagueni, entrepreneur local, et Djamel Moussaoui, architecte, proposent leurs services gracieusement. “Je vous accompagnerai jusqu’à la fin du chantier”, promet l’entrepreneur. Le chantier, entamé mi-mars, avance à la vitesse grand V . Des dizaines d’ouvriers, mais aussi des bénévoles affluent quotidiennement, de jour comme de nuit, vers le site de construction. Les images d’une avancée rapide du chantier font le tour des réseaux sociaux. “C’est le feuilleton de Ramadan”, dit d’un air amusé, Naïm Soltani qui vient d’Alger presque quotidiennement pour constater l’avancée des travaux.

Elan de solidarité

L'émission suscite un véritable engouement sur les réseaux sociaux. “Incroyable ! Des Algériens construisent une maison pour des orphelins en quelques jours. Vive la solidarité kabyle”, s’extasient nombre d’internautes.

L’enthousiasme est tel que beaucoup d’Algériens, pris dans cet élan de solidarité, en oublient presque qu’il s’agit d’une émission de télévision. Les appels aux dons ne vont pas s’arrêter tout le long de l’action de solidarité. Et cerise sur le gâteau, un “bienfaiteur anonyme” offre une “allocation décente” aux trois frères qu’il reversera jusqu’à la fin de leur scolarité.

Après 22 jours de travaux, la maison est fin prête. Deux jours avant la veille de l’Aïd, célébrée en Algérie le 12 avril, Mélissa est embarquée de nuit dans une voiture, entourée de ses deux frères. Elle est habillée à la manière des mariées de la région : robe blanche bariolée rehaussée d’une capuche et escortée par un cortège de véhicules.

Arrivée sur les lieux, les yeux fermés, elle est accueillie par des chants traditionnels. En rouvrant les yeux, elle s’émerveille du spectacle qui s’offre à elle : une maison blanche, bien éclairée et luxueusement meublée. Elle enlace ses deux frères et éclate en sanglots. “Je remercie tous ceux qui ont contribué à cette réalisation. Mon vœu est que Dieu préserve vos mères”, indique la jeune femme tandis qu’une dame chante les louanges des bienfaiteurs.

Cet exploit, Naim Soltani promet de le poursuivre. D’ailleurs, en parallèle, d’autres bénévoles s’attèlent à construire une autre maison à M’sila, à l’Est du pays.

“Il arrive que je désespère mais à la fin du chantier, quand je vois la joie illuminer les visages des heureux bénéficiaires, j’oublie tout”, confie Naïm Soltani qui ambitionne de construire “au moins 300 maisons pour des Algériens nécessiteux”.

En marge de l’émission “El Yed fel yed” qui sillonne l’Algérie, la construction de cette maison des orphelins a déjà fait des émules : deux autres sont en chantier dans la région de Kabylie.

TRT Francais