Des Rohingyas survivants d'une terrible traversée vers l'Indonésie / Photo: AP (AP)

Leur bateau est le quatrième arrivé en Indonésie en deux mois, mais le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) a dit craindre qu'un autre navire avec quelque 180 personnes à bord ait sombré dans l'océan Indien.

Arrivés lundi soir sur une plage de la province d'Aceh, à l'Ouest de l'Indonésie dans une embarcation en bois d'une douzaine de mètres, les Rohingyas, dont des dizaines de femmes et d'enfants, ont passé la nuit couchés à même le sol dans une mosquée.

Le bateau transportait 174 membres de cette minorité persécutée en Birmanie, selon un nouveau comptage des autorités locales.

Certains avaient du mal à marcher, et nombre d'entre eux ont dû être réhydratés par perfusion après plusieurs semaines passées en mer dans le golfe du Bengale.

Les équipes médicales de l'Organisation internationale pour les migrations "ont traité des cas de grave déshydratation et malnutrition", a indiqué à l'AFP mardi Louis Hoffmann, le chef de mission en Indonésie.

Plusieurs réfugiés interrogés par l'AFP ont rapporté avoir passé plus d'un mois en mer après avoir quitté les camps du Bangladesh qui abritent près d'un million de Rohingyas.

"Certains sont morts dans le bateau, environ 26. Nous les avons jetés à la mer", a déclaré Rasyit, un réfugié semblant épuisé, parlant un peu le malais.

"Quand nous avons quitté le Bangladesh, nous avions de l'eau pour 7 jours et 10 jours de nourriture", mais le moteur du navire a cassé au bout d'une semaine et le navire a dérivé plus d'un mois, a ajouté Umar Faruq, un réfugié de 14 ans parlant anglais.

"La Malaisie ne nous a pas laissé débarquer", affirme le jeune homme qui voyage sans famille.

Appel à l'aide

Des centaines de milliers de Rohingyas, minorité à majorité musulmane persécutée en Birmanie, ont fui les exactions de l'armée birmane et cherché asile en 2017 au Bangladesh voisin. Mais le coup d'Etat militaire de 2021 en Birmanie a éloigné toute perspective de retour de ces apatrides hébergés dans d'immenses camps.

Des milliers d'entre eux risquent chaque année leur vie dans de longs et périlleux voyages en mer, souvent sur des bateaux de fortune, pour tenter d'avoir une vie meilleure en Malaisie ou en Indonésie.

"Au Bangladesh notre vie est difficile, nous n'avons pas le droit de sortir, les enfants ne peuvent pas aller à l'école", explique Muhammad Taher, un autre réfugié parlant malais.

L'Onu a lancé en décembre un appel urgent aux pays de la région pour venir en aide à plusieurs bateaux de migrants, sans eau ni nourriture, à la dérive dans l'océan Indien.

Ann Mayman, la représentante du HCR à Jakarta a adressé "un grand merci à l'Indonésie", "l'un des rares Etats de la région qui respecte les principes humanitaires de base concernant" les réfugiés, dans un message sur Twitter.

L'Indonésie ne repousse pas les embarcations de Rohingyas à l'inverse de plusieurs autres pays d'Asie du Sud-Est. Mais elle ne les aide pas à débarquer, les bateaux étant amenés par les vents de mousson sur ses plages.

Quelque 472 réfugiés ont ainsi débarqué à Aceh au cours des deux derniers mois, selon les données du HCR.

"Nous allons survivre"

Des réfugiés arrivés dimanche dans un autre bateau transportant 57 passagers ont dit à l'AFP avoir reçu de l'aide des Marines indonésienne et indienne.

"Nous avons navigué trois jours et le moteur s'est cassé, nous étions à court de nourriture. Après 11 jours, des pêcheurs nous ont donné de la nourriture. Et nous avons rencontré la Marine indienne qui nous aidés à atteindre les eaux indonésiennes", a indiqué Zahid Husein, un réfugié de 18 ans.

"Quand nous sommes arrivés dans les eaux indonésiennes, j'ai vu des collines, et j'ai pensé que nous allions survivre".

"Dieu nous a aidé à trouver la Marine indonésienne", remercie le jeune homme qui a dit avoir perdu au moins 5 compagnons de voyage.

L'Onu craint cependant que d'autres embarcations soient encore en perdition en mer.

Et si la perte du bateau avec quelque 180 personnes à bord est confirmée, l'année 2022 sera l'une des plus meurtrières pour les Rohingyas avec un bilan dépassant 400 disparus en mer, selon le HCR.

AFP