Des habitants d'une île indonésienne déposent une plainte climatique contre Holcim / Photo: Reuters (Reuters)

"Pour la première fois, une entreprise suisse doit répondre juridiquement de son rôle dans les changements climatiques", indique dans un communiqué l'ONG suisse ONG Entraide Protestante Suisse (EPER), une des organisations qui soutient les habitants.

Les plaignants --trois hommes et une femme-- demandent au cimentier de les indemniser pour les dommages sur l'île, de participer au financement de mesures de protection contre les inondations et de réduire rapidement ses émissions de CO2.

En juillet, ils avaient déjà saisi la justice à Zoug où se trouve le siège social du groupe suisse, issu de la fusion en 2015 avec le français Lafarge.

La procédure impliquait d'abord une étape de conciliation, qui "s'est soldée par un échec", indique EPER, une organisation religieuse qui milite pour les droits de l'homme et la justice climatique, malgré les faibles sommes en jeu.

Les quatre plaignants réclament chacun "3.600 francs suisses" (une somme équivalente en euros), dont 100 francs pour des dommages individuels, 1.000 francs de préjudice moral et 2.500 francs destinés à financer la plantation d'une mangrove et des mesures de défense de l'île, a détaillé Cordelia Bähr, l'avocate zurichoise qui les représente lors d'une conférence de presse.

"Lors de l'audience, Holcim n'a manifesté aucune intention de répondre à leurs demandes", affirme l'ONG dans le communiqué, poussant donc ces quatre habitants à déposer une plainte "au nom de l'île" contre Holcim auprès du tribunal cantonal de Zoug.

Située au Nord-Ouest de Jakarta, cette île qui vit principalement de la pêche et du tourisme a été inondée cinq fois l'an passé, indique l'ONG, qui précise qu'elle a perdu 11% de sa surface en onze ans.

Un des plaignants, qui s'exprimait en visioconférence par le biais d'un interprète, a expliqué qu'un mur de son habitation a été endommagé mais qu'avec les marées, les inondations ont aussi affecté les puits qui fournissent l'eau pour les usages quotidiens, endommagé les arbres qui produisent de la papaye ou des bananes et fait rouiller les motos qui permettent de se déplacer sur l'île.

Créer un précédent

"Un cas comme celui-ci n'a jamais été soumis à un juge suisse", a déclaré Nina Burri, la responsable des questions d'entreprises et droits humains de l'ONG, lors de la conférence de presse, mais "cela va créer un précédent".

Cette plainte s'inscrit dans un mouvement international plus large consistant à demander aux grandes entreprises d'assumer leurs responsabilités face au dérèglement climatique qui affecte les moyens de subsistance de millions de personnes, en particulier dans les pays du Sud.

"L'action climatique est une priorité absolue pour Holcim, au coeur de notre stratégie", a indiqué un porte-parole du groupe, contacté par l'AFP.

"Nous ne pensons pas que des poursuites en justice focalisées sur des entreprises isolément soient un mécanisme efficace pour s'attaquer à la complexité globale de l'action pour le climat", a toutefois ajouté le groupe suisse.

Cette plainte intervient alors qu'Holcim s'est fixé d'ambitieux objectifs climatiques, voulant faire figure de pionnier dans le secteur du bâtiment, grand producteur de gaz à effet de serre. Il vise notamment à réduire de 25% ses émissions de type 1 et 2 par tonne de ciment comparé à 2018.

"A nos yeux, Holcim présente cela comme très vert. Mais si on fait une étude détaillée, on voit [...] qu'il n'en fait pas assez", a jugé Yvan Maillard, responsable du dossier justice climatique de l'ONG suisse, lors de la conférence de presse.

L'avocate des plaignants estime que la procédure pourrait durer trois à quatre ans si l'affaire remonte jusqu'à la plus haute juridiction de Suisse.

AFP