Le débat d'entre-deux tours en France est devenu depuis 1974 un exercice obligé (Frederic Chambert / Panoramic)

Cinq ans après, Emmanuel Macron et Marine le Pen se retrouvent mercredi sur un plateau télévisé pour un débat d'entre deux tours, rendez-vous incontournable des présidentielles françaises. En 2017, la candidate d'extrême droite avait sombré. Cette fois, elle s'est préparée, face au président sortant qui, lui, devra défendre son bilan.

Les deux adversaires ne prennent pas ce rendez-vous à la légère et s'y sont préparés jusqu'au dernier moment. À quatre jours d'un deuxième tour beaucoup plus serré qu'en 2017, même si les sondages donnent régulièrement Emmanuel Macron vainqueur entre 53 et 56%, le débat peut avoir des conséquences importantes.

Il y a cinq ans, il avait été désastreux pour Marine Le Pen, fébrile, agressive et mal préparée face à un jeune candidat apparu calme et maîtrisant ses dossiers. Le crash en direct de la candidate d'extrême droite, devant 16,5 millions de téléspectateurs, avait marqué les esprits, y compris chez ses partisans.

"Pour moi, un échec c'est parfois un coup de pied aux fesses", a récemment confié sur TF1 Marine Le Pen, qui assure avoir tiré les leçons du naufrage et se dit "extrêmement sereine". Depuis cinq ans elle a patiemment remonté la pente, travaillé ses dossiers, lissé son image, jusqu'à se définir comme une "mère de famille" pour la France.

Marine Le Pen "a l'expérience maintenant, elle a beaucoup travaillé, elle maîtrise les sujets, ce n'est pas une question de peur, c'est une question de concentration", a estimé le vice-président de son parti, le Rassemblement national, Louis Aliot.

Face à elle, Emmanuel Macron, outsider de choc en 2017 qui se réclamait "ni de droite ni de gauche", n'a plus la fraîcheur de la nouveauté. Il a un bilan d'un quinquennat à défendre, ainsi que l'image qui lui est souvent accolée de "président des riches" à corriger.

Le président sortant, qui n'a participé à aucun débat pendant la campagne, admet prendre "très au sérieux" le rendez-vous télévisé, où il va tenter de convaincre un électorat de gauche méfiant, voire hostile, à son égard.

Projet contre projet

"La stratégie du "tout sauf Le Pen" ne fonctionne plus. C'est vraiment du projet contre projet, argument contre argument, sur tous les enjeux qui nous séparent violemment du projet de Marine Le Pen : sur l'Europe, sur le rapport à l'autre, sur l'économie, sur le social, sur le fiscal, bref sur tout", décrivait il y a quelques jours un député de la majorité présidentielle, Roland Lescure, sur RFI.

Dans le camp adverse, Mme Le Pen doit montrer qu'elle est "crédible, qu'elle sait rassembler, mais surtout qu'elle incarne la fonction, ce que n'a pas réussi à faire M. Macron", a affirmé Louis Aliot, espérant que le débat soit "solennel, sérieux, argument contre argument" sans "agressivité générale".

Pendant la campagne, les deux adversaires se sont jusque-là affrontés à distance, se rendant coup pour coup.

Mme Le Pen a accusé à plusieurs reprises son adversaire de "brutalité" et a fustigé la "vacuité de son projet".

Emmanuel Macron a pour sa part attaqué sa rivale sur la "radicalité" de son programme, dissimulée derrière une "banalisation" de l'extrême droite et l'image recentrée de Mme Le Pen.

Dans cette dernière ligne droite, les deux candidats s'efforcent aussi de séduire les partisans du leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième au premier tour avec près de 22% des voix, et qui a exhorté ses partisans à ne pas accorder "une seule voix" à la candidate d'extrême droite, sans pour autant appeler à voter M. Macron.

Le débat d'entre-deux tours en France est devenu depuis 1974 un exercice obligé, empreint d'une certaine dramaturgie et qui a fait les grands moments de l'histoire politique à la télé.

Il sera arbitré mercredi par une journaliste de la chaîne publique France 2 et un de ses confrères de la privée TF1.

AFP