Dans le nord de la France, les migrants rêvent toujours d'Angleterre - Archives (Reuters)

"Pas de plan B": à Calais, dans le nord de la France, les migrants disent n'avoir "d'autre choix" que de tenter la traversée vers l'Angleterre, malgré la perspective "effrayante" d'être renvoyés au Rwanda par le gouvernement britannique, qui prévoit un premier charter mardi.

L'accord, controversé, qui autorise Londres à expulser vers Kigali les migrants illégaux, vise à dissuader ceux qui se massent depuis des années sur les côtes du nord de la France de traverser la Manche.

Parmi eux, Moussa, 21 ans, assis sur un fauteuil de fortune dans un campement délabré de Calais, au coin d'un petit feu, n'a pas l'intention de renoncer.

Regard cerné, voix fatiguée, il raconte avoir fui le Darfour pour rejoindre l'Angleterre et "obtenir des papiers". Il maîtrise déjà bien la langue.

"Répugnant", tranche-t-il quand on l'interroge sur l'accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda. Et "inhumain". "J'ai peur d'être renvoyé au Rwanda. J'ai des chances d'y mourir".

Mais à part en Angleterre "on ne peut pas obtenir des papiers" en Europe. "On peut attendre cinq ans à dormir dans les rues" alors qu'au Royaume-Uni, "ils donnent des papiers rapidement", veut croire ce jeune homme présent à Calais depuis plusieurs mois.

Alors il continuera "chaque matin et chaque soir" à tenter de rejoindre les côtes anglaises. "L'Angleterre, c'est ma dernière chance."

Sauf annulation de dernière minute, un vol spécialement affrété avec à son bord des clandestins doit décoller de Londres mardi soir pour Kigali, selon des opposants à l'initiative.

Depuis le début de l'année, les tentatives de traversée se sont multipliées: 11.600 migrants ont été impliqués dans les traversées de la Manche via des embarcations de fortune, selon la préfecture maritime, contre 8.000 en 2021 sur la même période.

"Dernière frontière"

Les réfugiés "voient des informations circuler, des rumeurs... C'est une situation floue", explique William Feuillard, coordinateur de l'Auberge des Migrants à Calais. "Quelles sont les modalités qui définissent qui est expulsable ou non? C'est assez opaque, donc les réfugiés posent beaucoup de questions et on n'a pas toutes les réponses."

Calais est pour eux "la dernière frontière à traverser. Ce n'est pas ça qui va les décourager", estime-t-il.

"Ils ont traversé tellement de pays, ont été confrontés à tellement de situations de stress, de dangers immédiats", qu'ils se disent que "ça risque d'être encore plus dur" avec la perspective d'être renvoyé au Rwanda.

"Mais entre vivre à la rue et la potentialité de pouvoir commencer (leur) vie, ils vont prendre cette potentialité", estime William Feuillard.

Almeen, un Soudanais de 20 ans, est à Calais depuis un mois et demi. Faute d'argent pour un passeur, il tente de rejoindre l'Angleterre en grimpant sur des camions en partance pour l'autre côté de la Manche.

Lui aussi se dit "effrayé" de finir au Rwanda: "Ce n'est pas un pays sûr.

Il n'y a pas d'égalité entre les hommes là-bas", a-t-il affirmé. Mais "je veux quand même rejoindre l'Angleterre. Je parle la langue, j'ai des amis, je veux y étudier la médecine", raconte-t-il, en transportant deux bidons d'eau vers son campement de fortune.

"Je veux faire de mon rêve une réalité... Avec cette histoire de Rwanda je prends un nouveau risque, mais je ne peux pas renoncer. Je n'ai pas de plan B", ajoute-t-il.

Puis il s'inquiète: "Mais ils vont vraiment faire ça? Qui va partir au Rwanda? Quelle est la loi exactement?".

Un peu plus loin, Mohammed s'apprête à jouer au foot avec d'autres exilés.

"Le Rwanda c'est un risque de plus sur le chemin. Mais on n'a nulle part ailleurs où aller", dit-il. "Je ne peux pas renoncer si proche du but".

AFP