Corruption: la Hongrie sous pression après le gel des fonds de l'UE / Photo: DPA (DPA)

Sans être "naïfs", ils espèrent que la fermeté affichée à Bruxelles change enfin la donne après plus de dix ans de transformation "illibérale" de ce pays d'Europe centrale de près de 10 millions d'habitants.

Surveillance

Dans l'espoir d'échapper à ce couperet, la Hongrie a commencé à voter des mesures ces dernières semaines.

Mais celles-ci "ne suffisent pas à remédier aux violations de l'État de droit constatées et aux risques qu'elles entraînent pour le budget de l'Union", a estimé lundi soir le Conseil, institution représentant les Etats membres.

En conséquence, quelque 12 milliards d'euros sont pour l'heure bloqués: 6,3 milliards qui devaient être versés dans le cadre du budget 2021-2027, et 5,8 milliards du plan de relance post-Covid.

L'UE a fixé une feuille de route très stricte comprenant 27 "super jalons", dont 17 réformes pour lutter contre la corruption.

"C'est le paquet anti-corruption le plus sérieux de ces trente dernières années", se félicite Jozsef Peter Martin, directeur en Hongrie de l'ONG Transparency International.

"Bien sûr, il ne peut régler du jour au lendemain la corruption systémique mise en place depuis plus d'une décennie mais il place le gouvernement sous haute surveillance", dit-il à l'AFP. "Ce n'est pas rien".

Enrichissement spectaculaire

Bruxelles s'inquiète de longue date d'un possible détournement des fonds européens, sans jamais avoir vraiment osé agir jusqu'à présent.

Depuis le retour au pouvoir en 2010 de Viktor Orban, son cercle proche s'est spectaculairement enrichi, de son ami d'enfance Lorinc Meszaros à son gendre Istvan Tiborcz qui contrôlent désormais de larges pans de l'économie.

Le dirigeant nationaliste a par ailleurs progressivement mis au pas les contre-pouvoirs, qu'il s'agisse des médias ou de la justice.

Pour le Parlement européen, la Hongrie n'est plus une véritable démocratie mais un "régime hybride d'autocratie électorale".

Dans un rapport mi-septembre, il regrettait "profondément que l'absence d'action décisive de la part de l'Union ait contribué au délitement de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits fondamentaux en Hongrie".

Après moult hésitations, la Commission a finalement durci le ton. Sa recommandation de gel des fonds a été suivie par le Conseil même si le montant a été revu à la baisse et le plan post-Covid approuvé.

Un compromis présenté comme "un bon résultat" mardi par Viktor Orban.

"C'est la récompense de l'énorme travail fourni par la Hongrie", a également estimé la ministre de la Justice Judit Varga, en référence aux engagements déjà mis en oeuvre. "Nous sommes sur la bonne voie" pour obtenir un déblocage de l'argent, a-t-elle affirmé.

Avril 2023?

En plein marasme économique, la Hongrie en a besoin de toute urgence.

Le Parlement devrait adopter l'ensemble des lois requises d'ici mars 2023, avant un possible déblocage des fonds en avril, espère le gouvernement.

Mise en place d'une autorité dite "d'intégrité", nouvelles règles pour les appels d'offres publics, renforcement de l'indépendance du système judiciaire...

"La barre est haute", souligne Marta Pardavi, co-responsable du comité Helsinki hongrois de défense des droits de l'homme (HHC).

Bruxelles a prévenu que l'argent ne serait versé que si Budapest remplissait "pleinement et correctement" ses promesses.

"On en est très loin. En fin de compte, tout dépendra de combien l'UE consacre de ressources pour évaluer les progrès de la Hongrie" sur le terrain, relève Mme Pardavi.

Beaucoup ne se font guère d'illusions sur l'issue à long terme.

"Certes, nous pouvons craindre que les dirigeants européens versent finalement l'argent à Orban l'an prochain", commente R. Daniel Kelemen, professeur de sciences politiques à l'université américaine Rutgers, dans une déclaration à l'AFP.

"Mais pour l'heure", poursuit-il, "savourons le fait qu'ils n'ont pas entièrement capitulé et que le régime autocratique d'Orban paie un prix pour le démantèlement de l'Etat de droit en Hongrie".

AFP