Frappé par des vagues de chaleur extrême, le Chili est confronté aux incendies de forêt / Photo: AFP (AFP)

Pourquoi les incendies se sont-ils propagés si vite?

Le Chili, en plein été austral, connaît depuis la semaine dernière une vague de chaleur, avec des températures atteignant 40°C.

Vendredi, plusieurs incendies se sont déclarés simultanément dans les montagnes qui surplombent la station balnéaire de Viña del Mar et d'autres endroits de la région de Valparaiso, à environ 120 km au nord de la capitale Santiago.

Selon le professeur Miguel Castillo, de la Faculté des sciences forestières de l'Université du Chili, le vent et les températures élevées forment une combinaison "néfaste".

En brûlant, la végétation ou les déchets génèrent de l'air léger et chaud, "ce qui soulève des particules enflammées ou des étincelles qui se déplacent sur des centaines de mètres, provoquant des foyers d'incendie satellites", explique-t-il. Les flammes s'accélèrent "sur les pentes et à la faveur du vent", ce qui les rend de plus en plus dangereuses.

Une quarantaine d'incendies restaient actifs dimanche soir dans la région.

Pourquoi autant de victimes ?

Au moins 112 personnes ont été tuées dans les incendies, selon le dernier bilan. Le feu a atteint des zones densément peuplées, principalement à Viña del Mar. En un seul endroit, Villa Independencia, 19 personnes ont péri.

Dans ce secteur et dans d'autres, des familles vivaient entassées dans des constructions légères, parfois sur des terrains prévus pour servir de coupe-feu, selon les autorités et les experts.

Les matériaux légers employés pour ces constructions, comme le bois ou le fibrociment, sont hélas un excellent combustible. Les flammes se sont engouffrées dans les rues étroites des collines, faisant exploser des rangées entières de voitures garées devant les maisons, ont raconté les survivants.

Il s'agit maintenant de déterminer si, malgré des ordres d'évacuation envoyés à temps sur les téléphones portables, certaines personnes ont refusé de partir.

"Les alarmes ont été déclenchées, mais l'évacuation n'a apparemment pas fonctionné (...). L'accent est mis sur la lutte, mais pas sur la prévention (...) et je pense que c'est une lacune", estime Horacio Gilabert, du Centre sur le changement global de l'Université catholique du Chili.

S'agit-il d'incendies criminels ?

"La possibilité que ces incendies soient intentionnels fait l'objet d'une enquête", a déclaré le président Gabriel Boric samedi.

Selon le Conseil national des forêts (Conaf) chilien, 99,7% des incendies sont causés soit délibérément, soit par imprudence. Dans le cas présent, "des foyers se sont déclarés simultanément, ce qui est tout à fait anormal", fait remarquer le professeur Castillo.

La loi chilienne prévoit jusqu'à vingt ans de prison pour les auteurs d'incendies volontaires, et jusqu'à cinq ans pour les incendies involontaires, mais les coupables sont rarement pris en flagrant délit.

Y a-t-il un lien avec la crise climatique ?

Le cône sud de l'Amérique suffoque actuellement sous des températures caniculaires. Dans cette région, le phénomène naturel et cyclique "El Niño" est devenu plus intense et plus fréquent en raison du réchauffement climatique causé par l'activité humaine, selon les scientifiques. Ce phénomène augmente la température de l'océan Pacifique, provoquant des sécheresses ou des inondations.

"Un changement de quelques degrés dans le Pacifique tropical peut faire la différence entre une saison d'incendies de forêt relativement calme et une catastrophe généralisée", explique le climatologue Raúl Cordero dans une étude récemment publiée dans la revue Nature's Scientific Reports.

L'an dernier, le Chili a connu une période de pluie atypique au milieu d'une sécheresse prolongée. Cela a conduit à l'apparition de garrigues, un carburant parfait pour un feu de forêt.

Comment le Chili fait-il face à la catastrophe?

Quelque 1.400 pompiers et 1.300 militaires et bénévoles, appuyés par 31 hélicoptères et avions lanceurs d'eau, sont mobilisés pour combattre les flammes. Le président Boric qui, en presque deux ans au pouvoir, a augmenté de 47 % le budget consacré à la prévention et à la lutte contre les incendies, a décrété l'état d'urgence afin de mobiliser le plus grand nombre de ressources possible.

Dans certains secteurs de Valparaiso, un couvre-feu a été instauré afin de libérer les routes, pour permettre le passage rapide des véhicules d'urgence ou pour faciliter les évacuations.

Mais le Chili doit encore revoir et moderniser sa stratégie pour faire face à des catastrophes de cette ampleur, estiment les experts.

Ainsi, le pays ne dispose pas de moyens de lutte anti-incendie nocturnes. "Par conséquent, la probabilité que tout le travail effectué pendant la journée soit perdu pendant la nuit est très élevée", a expliqué Michel De L'Herbe, expert en gestion des situations d'urgence, à la radio Cooperativa.

AFP