Boycott X est une application créée par un jeune développeur parisien qui permet de connaître l'origine des produits / Photo: AA (AA)

''Consommer avec conscience'', c’est le slogan de cette application lancée par Chedy El Tabaa, en décembre dernier. Depuis, Boycott X cumule déjà plus de 400 000 téléchargements dans le monde. Très simple d’utilisation, l’application, disponible en sept langues, a été créée en deux semaines par le jeune développeur parisien de 26 ans. Elle permet à ses utilisateurs, en scannant simplement des produits, de connaître leur origine, s' il s’agit de produits boycottés et s’ils répondent, ainsi, à une certaine éthique.

"L’application prend en compte les droits humains concernant le conflit en Palestine, le génocide au Congo et également le droit des Ouïghours mais aussi, la cause environnementale pour tous les produits qui polluent. [On y trouve], de surcroît, la cause animale pour la maltraitance des animaux. C'était l'idée de ma sœur qui me disait, j'aimerais bien avoir [à disposition] une application qui permette de retrouver les informations sur les produits qu'on consomme, de [savoir] à qui on donne notre argent ? si l’on fait du mal à quelqu'un [en acquérant tels ou tels produits] ? Et après, elle m’a invité à la mettre en place en me disant ‘tu es développeur, vas-y, fais-le", explique Chedy El Tabaa.

Alors que le jeune homme, tout juste diplômé, ne parvenait pas à trouver un emploi malgré la multitude de CV envoyés, il s’est lancé dans l’aventure de l'entreprenariat en créant cette application entièrement gratuite et disponible sur apple store et play store.

Parmi les produits les plus scannés ces dernières semaines, on retrouve notamment ''le Coca, le Nutella, l’eau Cristalline mais aussi les feuilles de brique ''. La provenance de cet autre produit phare très consommé pendant la période du ramadan était également très recherchée par les consommateurs."Il y a eu énormément de scan de dattes. C'est vraiment le plus compliqué à gérer parce qu'on a énormément de reports. C'est très compliqué de ressortir ce qui est vraiment boycotté, ce qui ne l'est pas. On a essayé de sélectionner toutes les dattes qui venaient des terres volées aux Palestiniens. On a essayé de trouver des sources, notamment avec l'aide de BDS (boycott, désinvestissement, sanctions).

Boycott X cumule déjà plus de 400 000 téléchargements dans le monde (AA)

Harcèlement et menaces

Depuis ses débuts, Boycott X connaît un franc succès. Une réussite qui ne plaît pas à de nombreuses marques et entités. Selon son développeur, l’application"dérange". Et pour cause, Chedy el Tabaa est victime de harcèlement et de menaces depuis plusieurs semaines.

''Au départ, j'étais surtout très attaqué sur le fait que l'application n'était pas légale, parce que, pour elles, elle appelait au boycott. Ce que je peux répondre, c'est, tout simplement, que je n'appelle pas au boycott, je relaye des informations. Et ceci est clairement de la liberté d'expression. Mais depuis que la Commission européenne a légalisé le concept du boycott, eh bien, je suis tranquillisé. ''

D’ailleurs en mars dernier, la cour d’appel de Paris confirmait la légalité de l’appel au boycott de produits israéliens. Des produits qui font polémique depuis plusieurs années mais dont l’éthique est davantage critiquée depuis le début du génocide en Palestine. Par ailleurs, si l’application répertorie les différentes marques boycottées, selon plusieurs critères, elle semble avoir ébranlé une catégorie en particulier. En effet, les intimidations subies par le créateur de Boycott X auraient un lien avec le boycott des produits liés au conflit israélo-palestinien.

''Quand j'ai sorti l'application, une enquête a été réalisée, disant qu'elle était uniquement là pour boycotter Israël. Alors que non, ce n'est vraiment pas le cas. C'est juste que ces dix dernières années, le boycott, s'il est bien présent dans une case particulière, c'est surtout sur le conflit palestino-israélien. Et c'est tout à fait normal que sur notre application, il y ait plus de sociétés listées pour cette cause-là que pour les autres. Mais ils ont omis de dire, justement, que l'application présentait plusieurs catégories différentes. Ils m'ont clairement mis dans une case antisémite, alors que [je ne le suis] pas du tout. Ils ont commencé à m’[identifier] à ça sur les groupes Telegram. Avant-hier, on m'appelait encore pour me menacer'', indique-t-il au micro de TRT Français.

C’est notamment sur une chaîne du groupe Altice, que Chedy est pris à partie. Sans son consentement, lors d’une enquête "dirigée" sur l’application, réalisée par une journaliste d’investigation, ses informations personnelles sont dévoilées à la télévision. Par la suite, le jeune homme recevra des appels téléphoniques et même des menaces à son domicile.

''Ils ont invité cette journaliste, sur i24, qui a dit que l'application était un scandale, qu'elle était un cheval de Troie pour Israël. Et elle a indiqué qu'elle avait été partagée par le rappeur Sadek ; de ce fait, ils l'ont qualifié d’antisémite. Moi, je n'ai jamais demandé à Sadek de partager l'application, les gens font ce qu'ils veulent. C'est de là que sont parties les menaces. Ils ont affiché ma photo, mon nom, mon prénom, mon âge et ont partagé le plus d'informations possibles qu'ils avaient sur moi. Et cette même journaliste est passée, ensuite, sur Radio Communauté Juive, et sur Sud Radio, pour continuer sur la même lancée et poursuivre sa propagande, sa tentative de bad buzz. Mais finalement, ça m'a plus fait de bon buzz qu'autre chose''.

En effet, Chedy a reçu une offre d’achat pour son application. Après quelques recherches, le développeur s’aperçoit que la proposition pouvait peut-être cacher autre chose.

"Ça venait d’une société qui gère un certain nombre d'applications mobiles. Ils m’ont dit par mail que l'application était excellente, qu’elle avait un énorme potentiel et qu'ils étaient intéressés pour l'acheter. J’ai donc fait quelques petites recherches et j’ai découvert que toute l'équipe était basée à Tel Aviv. J’en ai conclu que c'était une tentative d'achat pour me faire taire, pour faire taire le projet parce qu'il dérange.''

Consommer par conviction

Malgré les menaces reçues par son fondateur, Boycott X continue de fonctionner sans problèmes. Le jeune développeur a même réussi à réunir toute une communauté de bénévoles qui l’aident à répertorier les marques susceptibles de ne pas répondre à certaines attentes morales des consommateurs.

''Quand j'ai commencé l'application, j’étais seul à lister toutes les sociétés qui sont boycottées, bien évidemment, avec des sources et les raisons du boycott. Aujourd'hui je travaille seul, en indépendant mais je me suis fait une communauté qui participe aux recherches, aux ajouts, à l'amélioration de l'application et aujourd'hui je les en remercie parce que c'est grâce à eux que Boycott X existe encore et est toujours aussi régulier et fiable''.

En effet, l’application est régulièrement mise à jour. Certaines marques peuvent être ajoutées ou retirées en fonction de l’actualité. Une actualité suivie activement par la communauté Boycott X.

"Il n'y a pas très longtemps on a ajouté la société Hermès parce qu'il y a eu une enquête de PETA France qui montrait dans quelles conditions était arrachée la peau des crocodiles pour fabriquer leurs sacs. Et donc, suite à cet appel au boycott de Hermès, on a dû la lister également sur l'application ''.

De nouvelles fonctionnalités devraient être ajoutées à Boycott X dans les semaines à venir. Déjà "très fier" de son application, Chedy espère que l’utilisation de Boycott X puisse devenir "un réflexe" pour les consommateurs. Il a également pour objectif "d’atteindre le million de téléchargements" et de pénétrer le marché américain.

TRT Francais