Une manifestation de soutien aux «étudiant•es solidaires de la Palestine» était prévue jeudi devant Sciences Po. Un important dispositif policier a dispersé les quelques manifestants venus soutenir leurs camarades accusés d’antisémitisme. (Anne Llincas) (Others)

Le rendez-vous avait été donné ce jeudi soir à 18h devant Sciences Po pour "soutenir les étudiant•es solidaires de la Palestine" et dire "stop à la répression de la solidarité avec le peuple palestinien dans les universités". Mais à l’heure dite, la rue Saint-Guillaume, où se trouve les locaux historiques de l’école des élites françaises, est complètement barrée par un cordon de policiers qui y interdisent l’accès, y compris pour les étudiants, selon l’un des policiers.

La préfecture de police avait en effet interdit le rassemblement auquel a appelé le collectif Urgence Palestine, qui regroupe des associations et des syndicats et organise de nombreuses manifestations de soutien à la population de Gaza.

C’est à quelques rues de là, sur le campus Saint-Thomas, que les passants et les médias peuvent apercevoir une vingtaine de manifestants, réunis derrière un important dispositif sécuritaire. Après avoir scandé quelques slogans, "Free, Free. Palestine", "Ce n'est pas une guerre, c'est un génocide" et "Tahia Falestine", ils sont évacués, un à un, au compte-goutte. Ils se regroupent ensuite à quelques encablures de là, devant la bouche de métro Rue du Bac, avant de s’y engouffrer, poussés par l’arrivée des forces de l’ordre.

Parmi eux, Samira*, une étudiante en philosophie de la Sorbonne voisine, qui ne mâche pas ses mots. "On est venu soutenir les étudiants et les étudiantes de Sciences-Po qui sont réprimés très violemment pour avoir exprimé des avis pro-palestiniens", explique-t-elle, un keffieh autour des épaules.

Sciences Po est en effet au cœur d’une polémique politico-médiatique depuis deux jours. Le 13 mars, l’occupation d'un amphithéâtre par environ 300 militants pro-palestiniens dans le cadre d'une journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine s’était soldée par des accusations d'antisémitisme de la part de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF). "Ne la laissez pas rentrer, c'est une sioniste", a-t-il été dit selon l’UEJF sur X.

L'affaire étant ensuite devenue une quasi-affaire d’Etat. Le président de la République Emmanuel Macron, fustigeant des propos "inqualifiables et parfaitement intolérables" et le Premier ministre Gabriel Attal déplorant "une sorte de lente dérive liée à une minorité agissante qui veut imposer une forme de pensée dominante au sein de cette institution", avant de s’inviter au conseil d'administration de l’établissement. Le gouvernement a saisi mercredi le procureur.

"Nos camarades ont été accusés à tort et diffamés, d'avoir eu des propos antisémites, alors que ce n'est absolument pas le cas " estime Léa*, étudiante à Sciences Po en urbanisme, rencontrée après la manifestation avortée. Il n'y a aucune preuve qui le montre. À aucun moment, personne n'a été empêché d'entrer dans l'amphithéâtre pour des raisons religieuses ou politiques même. Donc en fait, ce sont des propos absolument faux, diffamatoires, et il fallait qu'on vienne pour les soutenir". La réalité de ce qui s’est passé est "très loin du discours médiatique qu'on entend » estime de son côté Hugo*, étudiant à Sciences Po en droit et également présent dans l’amphithéâtre ce jour-là. " C'était très calme. On est arrivé à 8 h, on a occupé un amphi et il y avait des conférences sur la situation palestinienne, la réaction politique, auxquelles assistaient environ 200 ou 300 personnes". Le jeune homme explique ensuite qu’à midi, à la fin du cycle de conférences, les étudiants sont "sortis dehors pour faire une manifestation qui a dû durer un peu moins d'une demi heure, crier quelques slogans, crier le soutien à un cessez-le-feu et à la Palestine. Et puis ensuite on est parti. Et on a vu avec surprise l'emballement médiatique que ça a provoqué, la récupération politique, la présence de Gabriel Attal à Sciences-Po et de la ministre de l'enseignement supérieur, avec les propos outranciers qu'ils ont eus, que les plateaux de chaîne ont eus à notre égard". Hugo est donc venu au rassemblement, "non seulement en soutien à ce qui s'est passé, mais aussi comme une mesure de visibilité politique", appelant "à une réaction politique claire, notamment de Sciences Po, pour demander un cessez-le-feu à Gaza".

Une manifestation de soutien aux «étudiant•es solidaires de la Palestine» était prévue jeudi devant Sciences Po. Un important dispositif policier a dispersé les quelques manifestants venus soutenir leurs camarades accusés d’antisémitisme. (Others)

"Aujourd'hui, soutenir le cessez le feu, c'est quasiment être accusé d'antisémitisme, alors que, par ailleurs, les associations et les groupes qui soutiennent le cessez-le-feu sont les associations qui défendent les juifs au quotidien contre les agressions et qui les condamnent à tout égard. Et du coup, ça rend le contexte politique particulièrement compliqué".

Le jeune homme reconnait qu’"une militante a été empêchée d'entrer dans l'amphithéâtre temporairement, et elle a pu y accéder après quand elle a accepté de ne pas prendre de photos parce que cette même militante avait déjà été repérée sur des actions en train de prendre des photos, là où les visages étaient visibles. De un, les propager sur les réseaux sociaux, ce qui a mené à des campagnes de harcèlement extrêmement graves pour les personnes visées et de deux de les faire tourner dans des groupes d'extrême droite dangereux qui ont fait que des des étudiants de Sciences-Po, non particulièrement politisés par ailleurs, ou particulièrement investis dans ce genre de combat là, ont vu leur visage tourner et repérer par des groupes d'extrême droite qui les ont tabassés. On a eu quatre agressions extérieures à Sciences-Po."

La militante de l’UEJF aurait donc été exclue temporairement "pour des raisons de sécurité", le temps qu’elle accepte de ne pas prendre de photos des participants à la conférence, et "absolument pas ni pour confession religieuse ni pour des questions politiques". Les deux étudiants dénoncent un "niveau de tension absolument infernal". Mais ne peuvent "en tant qu’êtres humains" rester silencieux face "au massacre en cours à Gaza". "Comment est-il possible de se taire face à un génocide en cours et des milliers de personnes qui sont assassinées ?" se demande Léa.

TRT Francais