Amnesty International déplore le projet de Constitution en Tunisie - Archives (AP)

Le projet de la nouvelle Constitution tunisienne affaiblit les garanties institutionnelles en matière de droits humains, a déploré Amnesty International. Selon l'ONG internationale, le projet de la nouvelle loi fondamentale porte atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire et accorde au président du pays des pouvoirs d'urgence illimités.

Le président tunisien Kaïs Saïed avait promulgué, jeudi dernier, le décret-loi portant publication du projet de la nouvelle Constitution qui sera soumis à un vote référendaire le 25 juillet 2022. Le projet de la nouvelle loi fondamentale a été publié au Journal officiel de la République tunisienne (JORT) n°74 du 30 juin 2022.

L'ONG internationale a ajouté, dans un communiqué, que le projet de Constitution a vu le jour à la suite d'un processus hâtif. La même source a estimé qu' "il n'offre pas au pouvoir judiciaire les garanties nécessaires pour fonctionner en toute indépendance et impartialité et supprime les mécanismes de contrôle qui obligent les autorités à rendre des comptes".

“Des dispositions inquiétantes”

Amnesty a également averti que ce projet "contient des dispositions inquiétantes qui donneraient aux autorités la possibilité d'interpréter les droits de manière restrictive au nom de l'islam".

"Bien que le nouveau projet préserve des droits fondamentaux, il accorde au président des pouvoirs d'urgence illimités qu'il peut exercer pour restreindre les droits de l'homme", a mis en garde l'ONG.

La directrice du programme régional Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International, Heba Morayef, a déclaré que le projet "démantèle nombre de garanties prévues par la Constitution post-révolutionnaire (la Constitution de janvier 2014) et n'offre aucune garantie institutionnelle pour protéger les droits de l'homme".

"La suppression de ces garanties envoie un message effrayant et compromet des années d'efforts visant à renforcer la protection des droits de l'homme en Tunisie. Il est choquant que le peuple tunisien se soit vu refuser une explication transparente sur les circonstances qui ont mené à la rédaction de ce projet de Constitution", a-t-elle ajouté.

Elle a souligné que "les autorités doivent veiller à ce que les informations d'intérêt public soient accessibles à tous et à ce que le projet de Constitution, comme pour toute nouvelle législation, soit soumis à un examen public et politique efficace et significatif".

Il n'a pas été possible d'obtenir dans l'immédiat un commentaire officiel de la part des autorités tunisiennes à ce propos.

Le président Saïed a appelé les Tunisiens, par voie de communiqué, à voter en faveur de ce projet par un "Oui", selon la présidence de la République. "Il n'y a aucune crainte pour les droits et les libertés si les textes de loi les placent sous le contrôle du peuple, que ce soit au sein du Parlement ou des conseils régionaux ou municipaux", a-t-il indiqué.

Un projet controversé

Ce nouveau projet accorde des pouvoirs très larges au président de la République, contrairement à la Constitution de 2014, qui prévoyait un système quasi-parlementaire. Selon le nouveau projet, composé de 142 articles, le régime de l'Etat tunisien est un régime républicain et le président de la République nomme le chef du gouvernement et ses membres, sur proposition de ce dernier.

De plus, le chef de l'État met fin au mandat du gouvernement ou de tout autre membre, directement ou sur proposition du chef du gouvernement, de même qu'il n'est pas imputable de ses actes effectués dans le cadre de l'accomplissement de ses missions ».

Kaïs Saïed, avait publié en mai, un décret portant convocation des électeurs à un référendum sur une nouvelle Constitution le 25 juillet. Le chef de l’État avait dévoilé en décembre dernier une feuille de route censée sortir le pays de la crise politique, dans laquelle il a annoncé un référendum sur des amendements constitutionnels le 25 juillet 2022, avant des législatives anticipées le 17 décembre, après révision de la loi électorale.

La Tunisie souffre, depuis le 25 juillet dernier, d’une crise politique aiguë, lorsque le président Saïed avait imposé des « mesures d’exception », en limogeant le chef du gouvernement, en suspendant les activités du Parlement avant de le dissoudre le 30 mars 2022, et en légiférant par voie de décrets.

Plusieurs forces politiques et civiles tunisiennes rejettent ces mesures qu’elles considèrent comme étant un « coup d’Etat contre la Constitution », alors que d’autres forces les considèrent comme étant une « restauration du processus de la révolution de 2011 », qui avait fait chuter l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali (1987-2011).

AA