Législatives en France : Macron voit sa majorité absolue menacée (AP)

Il faudra attendre le second tour dimanche prochain pour savoir si Emmanuel Macron, qui a été réélu le 24 avril pour un second mandat de cinq ans, pourra ou non conserver cette majorité absolue et, au-delà, sa capacité à appliquer librement sa politique de réformes.

Outre la spectaculaire montée en puissance d'une alliance de partis de la gauche autour de Jean-Luc Mélenchon, le principal enseignement du scrutin est la forte progression du parti d'extrême droite de Marine Le Pen et l'effondrement de la droite traditionnelle.

La coalition Ensemble! du président et ses alliés centristes récolterait entre 275 et 310 sièges selon une projection Ifop-Fiducial et de 255 à 295 selon Ipsos. La majorité absolue à l'Assemblée nationale est de 289 (sur 577 députés).

En voix, l'alliance de gauche Nupes du tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a obtenu entre 25 à 26,2% des voix contre 25 à 25,8% pour la coalition Ensemble!, soit dans un mouchoir de poche.

Mais plus d'un électeur sur deux (entre 52 à 53% selon les estimations) a boudé les urnes dimanche, un nouveau record qui met en relief le désintérêt des Français pour un scrutin désormais éclipsé par la présidentielle.

"Le parti présidentiel est défait", a déclaré dimanche soir Jean-Luc Mélenchon, en appelant ses troupes à "déferler" au second tour des élections législatives.

M. Mélenchon pourrait cependant pâtir d'une absence de réserve de voix au second tour et de la forte abstention, selon les experts.

"Sérieux avertissement"

Le Rassemblement national (RN), parti de Marine Le Pen, finaliste de la présidentielle le 24 avril, arrive en troisième position juste en dessous de 20% des voix, loin devant la droite traditionnelle qui devrait perdre son statut de premier groupe d'opposition.

Le parti d'extrême droite, qui a toujours été pénalisé par le mode de scrutin majoritaire aux législatives, pourrait réussir à dépasser les 15 députés, une première depuis 1986, quand il y avait une dose de proportionnelle, ce qui lui permettrait de former un groupe parlementaire.

Elle même candidate dans son fief du nord de la France où elle a obtenu 55% des voix, Mme Le Pen a appelé "tous (ses) électeurs à confirmer et amplifier leur vote" là où des candidats RN seront qualifiés pour le second tour, afin "d'envoyer un groupe très important de députés patriotes dans la nouvelle Assemblée nationale".

Ces législatives confirment ainsi la large recomposition du paysage politique français engagée avec l'élection de M. Macron en 2017.

Une majorité non pas absolue mais relative à l'Assemblée compliquerait le chemin des réformes que souhaite entreprendre le président Macron, sur les retraites notamment.

"C'est un très sérieux avertissement qui est adressé à Emmanuel Macron", relève le sondeur Brice Teinturier, rappelant que "c'est 7 points de moins qu'en 2017".

"C'est d'abord un recul très net de la majorité présidentielle par rapport à 2017", renchérit un autre expert Frédéric Dabi, soulignant par ailleurs que "la gauche unie a réussi à imposer un récit aux Français".

“Ministres en sursis”

M. Macron s'est mobilisé en fin de campagne, appelant les Français à lui donner une "majorité forte et claire".

Il s'est posé en rempart contre les "extrêmes", visant la gauche radicale de M. Mélenchon et l'extrême droite de Marine Le Pen, synonymes selon lui de "désordre" pour la France.

L'exécutif a aussi insisté ces dernières semaines sur son intention de faire voter dès juillet un ensemble de mesures pour le pouvoir d'achat, afin de contrer une inflation qui grève le budget des ménages et pèse sur les comptes des entreprises.

Dans l'hypothèse peu probable où la gauche conduite par Jean-Luc Mélenchon remporterait la majorité absolue, lui imposant une cohabitation inédite pour un président tout juste réélu, M. Macron serait privé de pratiquement tous ses pouvoirs en politique intérieure.

M. Mélenchon, vieux routier de la vie politique française, s'est imposé comme son principal opposant en prenant la tête d'une alliance inédite regroupant les socialistes, communistes, écologistes et son propre mouvement, La France insoumise.

Il a mené la campagne la plus active, selon les commentateurs, pour transformer ce scrutin en "troisième tour" de la présidentielle.

Le scrutin se déroule dans un climat d'inquiétude des Français face à la flambée des prix de l'alimentation et de l'énergie.

Le résultat final des législatives dans une semaine pourrait influer sur la composition de l'exécutif formé le 20 mai, quinze de ses membres, dont la Première ministre Elisabeth Borne, étant candidats. Or, ils devront démissionner en cas de défaite, en vertu d'une règle non écrite mais déjà appliquée en 2017 par Emmanuel Macron.

TRT Français et agences