Erdogan: la Turquie pourrait accepter l’adhésion de la Finlande à l'OTAN avant celle de la Suède / Photo: AA (AA)

"Nous pourrions donner une réponse différente à la Finlande si cela s'avère nécessaire. La Suède pourrait bien être choquée si nous répondons différemment à la Finlande. Mais la Finlande ne devrait pas commettre la même erreur", a-t-il mis en garde lors d'une rencontre avec des jeunes dans la province de Bilecik.

Ankara a remis à la Suède une liste de 120 personnes à extrader vers la Turquie pour être en mesure de rejoindre l'OTAN, a indiqué Erdogan.

La Suède et la Finlande avaient officiellement présenté leur candidature pour rejoindre l'OTAN en mai dernier, abandonnant des décennies de non-alignement militaire, une décision motivée par la guerre de la Russie en Ukraine, déclenchée le 24 février 2022.

Mais la Turquie - membre de l'OTAN depuis plus de 70 ans - a émis des réserves concernant ces candidatures, accusant les deux pays nordiques de tolérer et même de soutenir des groupes terroristes, notamment le PKK et l'organisation terroriste FETO, le groupe à l'origine de la tentative de coup d'État du 15 juillet 2016 en Turquie.

En marge d'un sommet de l'OTAN en juin dernier, la Turquie et les deux pays nordiques avaient signé un mémorandum destiné à répondre aux préoccupations sécuritaires légitimes d'Ankara, ouvrant ainsi la voie à leur éventuelle adhésion à l'alliance.

Dans ce mémorandum, la Suède et la Finlande avaitent convenu de ne pas apporter de soutien aux YPG/PYD et au FETO, d'empêcher toutes les activités des groupes terroristes, d'extrader les personnes soupçonnées de terrorisme, d’adopter une nouvelle législation pour punir les crimes terroristes et de ne pas appliquer d'embargos sur les armes entre les trois pays.

"L'autodafé du Coran révèle leur ignominie"

"Ont-ils anéanti l'islam en brûlant notre Coran ? Ils n’ont fait que la démonstration de leur ignominie”, s’est indigné Erdogan qui a ajouté “Le Danemark a également fait de même".

Le chef d’Etat turc faisait référence à l’autodafé du Coran vendredi par l’extrémiste de droite suédo-danois Rasmus Paludan, chef du parti Stram Kurs (ligne dure), devant une mosquée au Danemark.

Cet acte islamophobe est intervenu quelques jours après que le leader d'extrême droite a brûlé un exemplaire du Coran devant l'ambassade de Turquie en Suède, lors d'une manifestation autorisée par les autorités.

Paludan a également annoncé qu'il brûlerait le livre saint des musulmans chaque vendredi, jusqu'à ce que la Suède soit intégrée à l'alliance atlantique.

Des condamnations ont fusé dans le monde entier, le Premier ministre suédois Ulf Kristersson condamnant les actions de Paludan qu'il a qualifiées de "profondément irrespectueuses".

La profanation du Coran a suscité de vives protestations dans le monde musulman, la Turquie ayant qualifiéPaludan de "charlatan haïssant l'islam" et condamné fermement l'autorisation donnée par les autorités suédoises pour cet acte provocateur qui, selon Ankara, "constitue clairement un crime de haine."

"La France est en train de perdre sa crédibilité"

En réponse à une question concernant la précédente invitation de la France à l'Organisation des États turciques, Erdogan a affirmé que le président Emmanuel Macron "manque d'honnêteté".

"Nous voulons que la politique internationale soit construite sur l'honnêteté. Là où il n'y a pas d'honnêteté, il n'y a pas de dignité. Il y a bien sûr beaucoup de dirigeants de ce genre dans le monde. (…) Malheureusement, dans les relations avec la Grèce en Méditerranée, ils ignorent la Turquie et nouent des relations différentes avec elle", a déclaré Erdogan.

Il a ajouté que la France était en train de perdre sa réputation en Afrique, notamment au Mali et au Burkina Faso.

"Maintenant, il (le président Emmanuel Macron) a perdu sa crédibilité au parlement... La France perd constamment sa crédibilité. Elle perd également sa crédibilité au sein de la communauté internationale", a déclaré Erdogan.

Réunion tripartite Turquie, Russie, Syrie

Abordant les relations avec la Russie, Erdogan a déclaré que les relations d’Ankara avec Moscou se basent sur le respect mutuel.

"Bien que les développements dans le nord de la Syrie ne nous apportent pas le résultat que nous souhaitons en ce moment, nous disons : ' Venez, tenons maintenant des réunions tripartites'. Réunissons-nous à trois, la Russie, la Turquie, la Syrie. Nous pouvons même inclure l'Iran dans ce groupe. Que l'Iran vienne aussi. Organisons nos pourparlers de cette manière et la paix régnera dans la région", a expliqué le président turc.

Erdogan avait auparavant déclaré que les dirigeants de la Turquie, de la Russie et de la Syrie pourraient également se rencontrer pour discuter de la paix et de la stabilité en Syrie.

Une réunion entre les ministres des affaires étrangères des trois pays est prévue, bien qu'aucune date ni aucun lieu n'aient encore été annoncés, marquant un nouveau palier dans les discussions depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie au début de 2011.

Le 28 décembre, les ministres turc, russe et syrien de la défense s’étaient retrouvés à Moscou pour discuter des efforts de lutte contre le terrorisme en Syrie. Ils ont convenu de poursuivre les réunions tripartites pour assurer la stabilité en Syrie et dans la région.

Avions de combat F-35

Erdogan a par ailleurs réitéré son appel aux États-Unis pour honorer leur promesse concernant les avions de combat F-35.

"S'agissant des F-35, c'est ce que nous voulons de vous, mais vous refusez de nous les donner. Vous n'avez pas tenu votre parole. Bien que nous ayons payé environ 1,4 milliard de dollars, vous ne nous avez rien donné en retour. S'il n'y a rien en retour, il y aura forcément un prix à payer", a déclaré Erdogan.

Les relations turco-américaines ont connu de nombreuses tensions ces dernières années, en raison du soutien américain au groupe terroriste YPG/PKK dans le nord de la Syrie et du désaccord relatif à l'achat par la Turquie du système de défense antiaérienne russe S-400, en 2017.

En 2019, sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis ont suspendu la Turquie du programme d'avions de combat F-35 après s'être opposés à l’acquisition du système de défense antimissile russe S-400, affirmant que le système russe menacerait les avions de combat américains.

La Turquie a expliqué à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas de lien entre les deux, et a proposé la création d'une commission chargée d'étudier la question. La Turquie a également soutenu qu'elle avait rempli ses obligations concernant les F-35 et que la suspension de ce contrat était contraire aux règles.

Ankara avait également commandé à Washington en 2021 40 chasseurs F-16 et des kits de modernisation. Ankara soutient que ces avions de combat renforceraient non seulement la Turquie, mais aussi l'OTAN.

AA