Afrique: Washington sous-traite l’accueil de migrants

Entre négociations, chantage et incitations financières, les Etats-Unis multiplient des stratégies pour faire avaler aux africains la pilule de leur nouvelle politique migratoire.

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Post: Les Etats-Unis ont payé 7,5 millions de dollars à la Guinée Equatoriale pour qu’elle accepte d’accueillir des migrants expulsés d'Amérique.

Il peut déjà se rendre aux Etats-Unis. Lui c’est le vice-président de Guinée Equatoriale, Teodoro Obiang Mangue, après un bannissement de huit ans. Les sanctions qui pesaient contre lui, suite à sa condamnation en France pour des biens mal acquis, ont été partiellement levées par l’administration Trump. Il  avait été condamné en juillet 2017 en France à trois ans de prison, 30 millions d'euros d'amende et la confiscation de ses biens évalués à plus de 150 millions d'euros. 

Ce revirement montre jusqu'où Washington est prêt à aller pour faire avaler aux Africains la pilule de sa politique migratoire. Selon les informations du New York Times, la levée partielle des sanctions contre le vice-président équato-guinéen est accompagnée du versement de 7,5 millions de dollars à Malabo. Cette somme sert à obtenir que ce pays d’Afrique centrale accepte sur son sol des personnes expulsées des États-Unis, bien qu’elles ne soient pas citoyennes de ce pays. 

Ce dernier développement est révélateur des rouages des accords d’expulsion des étrangers des Etats-Unis vers l’Afrique. Trump a fait de l’expulsion de personnes vers des pays tiers- dans lesquels elles n’ont souvent jamais vécu- l’un des piliers de sa politique contre l’immigration. 

En ce qui concerne l’Afrique, des pays comme l’Eswatini, le Rwanda, le Ghana et le Soudan du Sud ont adhéré à la vision de Trump en acceptant d’accueillir des personnes expulsées des Etats-Unis. Pour autant, l’opinion publique ghanéenne a vivement contesté cette politique lorsqu’en septembre dernier, les 42 premiers migrants expulsés des Etats-Unis sont arrivés à Accra. Democracy Hub, une ONG locale de défense des droits humain a intenté une action en justice à Accra. Elle veut invalider l'accord d'expulsion conclu entre Accra et Washington ainsi que le traitement réservé aux personnes expulsées déportées au Ghana.

Outre les activistes, le vent de contestation contre cette politique anti-migration a aussi atteint les autorités. Le Burkina Faso a affirmé jeudi 9 octobre avoir refusé d’accueillir des personnes expulsées des Etats-Unis, selon le ministre des Affaires étrangères s’exprimant à la télévision nationale.

La question “était de voir si le Burkina Faso, en dehors de nos propres ressortissants, était prêt à recevoir d’autres personnes qui seraient expulsées par les Etats-unis”, a déclaré  Karamoko Jean-Marie Traoré.

“Naturellement, cette proposition que nous avions jugée en son temps indécente est totalement contraire à la valeur de dignité qui fait partie de l’essence même de la vision du capitaine Ibrahima Traoré, le président burkinabè”, a-t-il ajouté.

L’administration américaine s’est aussi essayée au passage en force avant de se rétracter face à la résistance de certains pays africains. Pour obliger le Mali à accepter sa politique migratoire, les Etats-Unis avaient imposé aux voyageurs maliens de déposer une garantie de 5 000 à 15 000 dollars, remboursable uniquement après le retour dans leur pays.

Cette mesure avait suscité une vive réaction des autorités maliennes, qui avaient immédiatement instauré une mesure de réciprocité à l’encontre des voyageurs américains. Le 23 octobre dernier, le département d’Etat américain fut obligé de lever la mesure.

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