France Télévisions: un climat délétère règne au sein de la rédaction, selon un rapport

Un rapport d’expertise commandé par les élus du comité social et économique (CSE) de France Télévisions dresse un constat sévère sur le fonctionnement de la rédaction nationale du groupe public.

Plusieurs témoignages anonymes recueillis dans le rapport décrivent un encadrement “hypervertical”, où “les têtes qui dépassent” sont sanctionnées

Selon Libération, ce document réalisé par le cabinet Cedaet, met en évidence une organisation jugée “autoritaire, hiérarchique et élitiste”, générant des risques psychosociaux importants parmi les journalistes.  

L’étude, à laquelle 42 % des quelque 420 journalistes concernés ont répondu, fait apparaître une fracture profonde entre les anciens de France 2 et ceux de France 3, quatre ans après la fusion des deux rédactions. 

Les experts décrivent un “risque grave pour la santé des salariés” lié à un climat délétère, une perte de sens et une absence d’espaces de discussion. Le rapport évoque des situations de souffrance au travail, des tensions hiérarchiques et un sentiment d’exclusion persistant parmi les ex-journalistes de France 3. 

“Contrôle fort sur les choix éditoriaux”

Selon les constats de Cedaet, la fusion opérée en 2020 s’est traduite par une véritable “absorption” de la culture professionnelle de France 3 au profit de celle de France 2. Cette dernière est décrite comme “plus autoritaire, hiérarchique et élitiste”, à rebours d’une tradition plus collégiale et participative à France 3.

Georges Pinol, président de la Société des journalistes (SDJ) de France 3 et délégué syndical SNJ-CGT, estime que “la 3 était une rédaction où le débat était possible, où les propositions venaient du terrain. À la 2, le fonctionnement est plus descendant, avec un contrôle fort de la hiérarchie sur les choix éditoriaux”. 

Antoine Chuzeville, délégué syndical du SNJ, déplore pour sa part que “les journaux télévisés ne soient plus des journaux de rédaction, mais des journaux de rédacteurs en chef”, pointant une absence quasi totale de débat rédactionnel.

Plusieurs témoignages anonymes recueillis dans le rapport décrivent un encadrement “hypervertical”, où “les têtes qui dépassent” sont sanctionnées. Un journaliste parle d’un “harcèlement organisé par la direction”, tandis qu’un autre évoque des collègues “terrorisés” face à des comportements de harcèlement moral. 

Les difficultés ne touchent pas seulement les anciens de France 3. De jeunes journalistes, souvent employés en CDD, évoquent eux aussi un environnement contraignant et peu protecteur : “Il est très difficile quand on est jeune CDD de s’imposer, de poser des vacances ou de refuser certaines tâches. Nous sommes surexploités du fait de notre âge”, confie l’un d’eux.  

Le rapport fait état d’une perte d’autonomie généralisée et d’une uniformisation croissante des contenus, dictée par une recherche d’efficacité et de rapidité inspirée du modèle de France 2.

Le rapport de Cedaet formule enfin plusieurs recommandations destinées à apaiser la situation : rétablir des espaces de discussion éditoriale, redonner des marges d’initiative aux journalistes, harmoniser les parcours de carrière, rééquilibrer les charges de travail et renforcer la proximité des ressources humaines.