Gaza: après la mobilisation, Paris suspend des livraisons de composants pour drones vers Israël
Le ministère des Armées a ordonné l’arrêt des exportations de l’entreprise française Sermat vers Israël, à la suite des nombreuses révélations de Disclose et Stop Arming Israël, concernant les livraisons de composants pour drones à Elbit Systems.
Selon Disclose, le 21 octobre dernier, deux agents des douanes ont examiné, dans le cadre d’une inspection surprise au siège de Sermat, à Nanterre (Hauts-de-Seine), une livraison prévue la veille depuis l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle contenant huit générateurs électriques.
Le chargement a été bloqué et “saisi”, selon le directeur général de Sermat, Franck Neuvessel, qui a indiqué qu’il pourrait être détruit.
Le directeur général convoqué
L’entreprise Sermat fournit depuis deux ans des alternateurs et des moteurs électriques utilisés dans plusieurs modèles de drones conçus par l’industriel israélien Elbit Systems, dont les Hermes 900 et Hermes 450.
Le Hermes 900 est employé par l’armée israélienne à Gaza depuis octobre 2023. Le Hermes 450 a été impliqué dans une frappe ayant causé la mort de sept membres de l’ONG World Central Kitchen le 1er avril 2024.
Franck Neuvessel a été convoqué au ministère des Armées où la Direction générale de l’armement (DGA) lui a notifié l’interdiction de livrer à Israël tout composant produit par Sermat. Il a confirmé que “tout est arrêté”.
Cette décision intervient après les nombreuses mobilisations de Stop Arming Israël qui avait révélé les livraisons de l’entreprise Sermat dès le printemps 2024 et la publication par Disclose en octobre dernier, d’informations faisant état d’un risque d’utilisation de ces pièces par l’armée israélienne à Gaza.
Si Paris semble avoir cédé à la pression et la mobilisation de la société civile pour ce cas précis, cela reste néanmoins insuffisant. Début novembre, Stop Arming Israël avait révélé qu’un total de 44 entreprises françaises implantées dans 277 sites différents dans toute la France continuaient à produire et livrer du matériel militaire à destination d’Israël.
Manque de transparence
Plusieurs interrogations demeurent quant à l’absence d’intervention antérieure des autorités, alors que d’anciens responsables gouvernementaux affirmaient qu’aucune arme n’était vendue à Israël.
Ni le ministère de l’Économie, ni les douanes, ni la direction de Sermat n’ont répondu aux demandes de précisions.
Un précédent remonte à 2012, lorsque Sermat avait obtenu de Bercy que certains de ses actionneurs destinés à Elbit Systems ne soient pas classés comme biens à double usage (BDU), évitant ainsi une licence d’exportation spécifique.
Les documents fournis par l’entreprise indiquaient que ces composants étaient destinés à des drones de surveillance non armés. Or, deux ans plus tard, les mêmes drones étaient utilisés dans des opérations militaires.
Cette nouvelle affaire révèle une fois de plus le manque de transparence du contrôle des exportations françaises vers Israël. Depuis trois ans, Disclose a identifié quatre contrats conclus entre des entreprises françaises et des fournisseurs de l’armée israélienne.
En 2023, la France a exporté 16,1 millions d’euros de matériel militaire vers Israël, selon le rapport annuel au Parlement. Le gouvernement affirme que ces exportations sont encadrées et concernent des équipements défensifs ou destinés à être réexportés, sans en préciser la nature.
Par ailleurs, le ministère de l’Économie a autorisé en 2024 près de 76 millions d’euros d’exportations de biens à double usage vers Israël, sans détail sur les catégories de matériel ni leur usage final.