La France de 2025 rime avec instabilité politique

Un récent sondage pour le Figaro révèle que ce qui a le plus marqué les Français en 2025 est l’instabilité politique. Retour sur une année de chaos qui a profondément ébranlé la Ve République.

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Depuis mai 2022, la France a connu six gouvernements et 130 ministres différents / Reuters

L'année 2025 a été marquée par les répliques du séisme politique provoqué par la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024. Selon un sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro, publié ce 25 décembre, 47 % des personnes interrogées placent la crise politique en tête de leurs préoccupations, devant les enjeux économiques et sociaux. Cette instabilité s'est manifestée par une succession de gouvernements éphémères, illustrant la difficulté à construire une majorité stable.

Le gouvernement de François Bayrou, resté neuf mois en poste, a cristallisé les tensions. Son “conclave” sur la réforme des retraites qui devait permettre d’améliorer la réforme s’est soldée par un échec. Le chef du gouvernement a été vivement critiqué pour ses manœuvres dilatoires et son manque de dialogue.

Christian Delporte, historien et spécialiste d’histoire politique analyse ainsi sur LCP, la chaîne parlementaire, les 9 mois de Bayrou à Matignon : ”le Premier ministre François Bayrou n’a pas pratiqué le compromis alors que c’est une caractéristique de sa famille politique, la démocratie chrétienne, lorsqu’elle a gouverné en Allemagne et en Italie par exemple.” Ainsi le Premier ministre a défendu son projet de budget 2026 bec et ongles et a refusé de négocier y compris sur la question de deux jours fériés qu’il voulait supprimer. Son discours, aux accents paternalistes et alarmistes, n’a pas convaincu. Le 8 septembre 2025, l’Assemblée nationale lui a refusé sa confiance, le contraignant à démissionner.

L’épisode était déjà douloureux mais la suite a convaincu les Français que le pays était devenu un bateau ivre sans boussole politique.

Juste après, le gouvernement Lecornu dura quelques heures pour que finalement Sébastien Lecornu soit reconduit par le chef de l’Etat au poste de Premier ministre le 10 octobre 2025 aux alentours de 22 heures, quatre jours après avoir présenté sa démission. Le quotidien belge Le Soir comparait le destin du gouvernement de Sébastien Lecornu à “une mauvaise série à suspense qui semble s’étirer sans fin”. 

Fait unique dans la Ve République. Nommé dimanche soir, tombé lundi matin : le gouvernement de Sébastien Lecornu n’aura existé que quatorze heures. Cette année 2025 va compter dans l’histoire de la République pour être l’année des gouvernements les plus brefs jamais enregistrés.

Incapable de dépasser le clivage gauche droite ?

L’autre facteur d’incertitude ou d’inquiétude, c’est le spectacle de cette incapacité des partis politiques à construire une majorité. L’Assemblée nationale sortie des urnes en juillet 2024 ne donne aucune majorité absolue à aucun parti. C’est un fait, mais la construction d’un socle gouvernemental s’est révélée épisodique et difficile.

Si l’union de la gauche avait de fait une majorité relative, le chef de l’État a refusé d’appliquer la règle habituelle qui consiste à confier la constitution d’un gouvernement au bloc qui remporte les élections. Réduit à quelques dizaines de députés après les élections, le parti Renaissance, le parti présidentiel a choisi de s’allier à droite avec Horizons, MoDem et les Républicains pour durer. Un choix qui a encore droitisé les discours et les projets de loi du gouvernement.

Jean Garrigues, historien des institutions, impute cette ultra division de la scène politique au chef de l’Etat. “Il est arrivé au pouvoir en disant vouloir éradiquer l’extrême-droite. C’est l’inverse qui s’est produit, c’est aujourd’hui la première force politique du pays. L’idée de gouvernance ni de droite ni de gauche est aussi un échec. Aujourd’hui toute la gauche est dans l’opposition, le nouveau monde promis n’a pas eu lieu et c’est aussi un échec majeur”,  avait-il confié à TRT Français en septembre 2025.

En d’autres termes, les gouvernements formés sous la houlette du président français se sont contentés de mélanger des profils de droite et de gauche, espérant que la sauce prendrait toute seule mais il n’y a pas eu de dynamique de compromis et de consensus.

Faut-il encore rappeler les événements de la présidence Macron qui ont mobilisé et divisé les Français ? La réforme des retraites imposée par un 49.3 (adoption sans vote des députés) malgré des semaines de manifestations dans toute la France contre une réforme jugée inique. La mobilisation des gilets jaunes en 2018 avait déjà contribué à creuser un fossé entre la gente macroniste et une partie des Français déstabilisés par des réformes ultra-libérales qui les touchaient de plein fouet.



Le morcellement de l’Assemblée illustre juste un pays désorienté par deux mandats de politiques à marche forcée.

Sébastien Lecornu, l’apprenti compromis

L’actuel Premier ministre Sébastien Lecornu semble avoir retenu la leçon de la chute de Bayrou. Depuis son arrivée à Matignon, il a négocié avec la gauche et a réussi à s’allier le vote des élus socialistes en arrachant au président le gel de la réforme des retraites. Le budget de la sécurité sociale a ainsi pu être voté. 

La manœuvre sera nettement plus compliquée pour le projet de loi de budget 2026 car les concessions faites sur le budget de la sécurité sociale entraînent mécaniquement des coupes supplémentaires dans les dépenses générales pour tenir un budget en dessous des 5% de déficit. 

Faute d’accord sur un texte commun de la commission paritaire (7 députés et 7 sénateurs), le parlement a voté une loi spéciale le 23 décembre pour permettre aux services de l’Etat de fonctionner au 1er janvier 2026. 

Le Premier ministre doit trouver la formule budgétaire magique d’ici début janvier, formule qui lui donnerait une majorité de vote. Sébastien Lecornu, estimait ainsi ce mardi qu’un compromis est possible si on reste “ à distance des calculs partisans.”

Il a lancé des discussions avec les partis politiques pour tenter de trouver une voie de passage, en excluant LFI et le RN, ces deux partis ayant déclaré vouloir rejeter le projet de budget.

Le budget 2026, le premier test de la nouvelle année

Eric Coquerel, député La France Insoumise et président de la commission des Finances a réaffirmé vendredi à plusieurs médias qu’ aucun compromis n’est possible. Et, prévient-il, si le Premier ministre utilise le 49.3 (une adoption sans vote), le gouvernement sera censuré. 

Les discussions sur le projet de loi de finances reprendront en janvier, sur la base du texte remanié par le Sénat, d'abord en commission des finances à l'Assemblée les 8 et 9 janvier pour un vote des députés le 13.

Et c’est peut-être sur le budget 2026 que le gouvernement Lecornu II pourrait chuter, ouvrant ainsi une nouvelle période d’incertitude, les candidats au poste de Matignon se font de plus en plus rares, tant la situation est volatile.