Procès Lafarge: un ex-dirigeant admet la connaissance du statut “terroriste” d’un groupe
Au procès Lafarge, le tribunal examine si les dirigeants savaient qu’ils finançaient des groupes terroristes en Syrie, alors que l’ex-directeur de l’usine a admis avoir eu connaissance du statut d’au moins un de ces groupes à l’époque des faits.
Le tribunal correctionnel de Paris a entamé, lundi 24 novembre, l’examen du volet central du procès visant Lafarge : déterminer si les anciens dirigeants du groupe savaient qu’ils finançaient des organisations classées comme terroristes lorsqu’ils ont versé des sommes d’argent à des groupes armés en Syrie entre 2012 et 2014.
Cette nouvelle phase intervient après une première semaine consacrée à l’analyse des circuits décisionnels ayant conduit au maintien de l’activité de la cimenterie de Jalabiya pendant la guerre civile.
À l’audience, les anciens responsables ont rappelé qu’ils pensaient que le conflit serait bref, ce qui avait motivé la poursuite de l’exploitation du site syrien.
En revanche, leurs déclarations divergent lorsqu’il s’agit d’établir qui a autorisé les “concessions” versées aux factions armées. Bruno Pescheux, ex-directeur de l’usine, affirme avoir agi avec l’accord de son supérieur, Christian Herrault.
Ce dernier est contesté à la fois par Pescheux et par Bruno Lafont, ancien PDG, qui dit n’avoir jamais été informé de la nécessité de fermer l’usine. Herrault soutient au contraire qu’il a transmis à Lafont l’ensemble des éléments pertinents, y compris ceux concernant les contacts avec Daech.
La présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a ensuite ouvert la séquence consacrée à la présentation des groupes armés contrôlant les axes autour de la cimenterie.
Un agent de la DGSI, entendu par visioconférence, a rappelé que Jabhat Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaida, et Daech avaient commis des exactions dès 2013 et que ces organisations avaient été classées comme terroristes par les autorités américaines, l’ONU et l’Union européenne avant ou pendant la période concernée par les faits.
Cette précision vise à établir si les dirigeants pouvaient ignorer la nature des groupes auxquels des paiements ont été effectués.
L’ex-directeur admet
La défense a tenté de démontrer que la menace terroriste n’était pas perçue de manière aussi claire par le grand public avant 2015, suggérant que les dirigeants ne disposaient pas des mêmes informations que les services de renseignement.
Toutefois, plusieurs éléments du dossier montrent qu’au sein même de Lafarge Cement Syria, certains responsables avaient connaissance du statut de Jabhat Al-Nosra.
Jacob Waerness, responsable sûreté de l’usine à l’époque, a écrit dans un ouvrage que l’équipe de LCS savait que ce groupe avait été classé organisation terroriste fin 2012.
À la barre, il a expliqué avoir transmis plusieurs rapports sur le sujet à Bruno Pescheux et à Jean-Claude Veillard, directeur sûreté du groupe.
Pescheux a reconnu qu’il était possible qu’il ait eu cette information. Christian Herrault a, pour sa part, admis l’avoir apprise par le comité de sûreté.
Le tribunal doit désormais se pencher, à partir de mardi, sur le détail des flux financiers et sur les modalités des paiements effectués aux groupes terroristes identifiés.