France : 21 salariés portent plainte contre leur patron pour injures racistes et sexistes
Au sein du célèbre café Le Régent à Bordeaux, une vingtaine d’employés accusent leur propriétaire d’avoir proféré des propos à caractère raciste et xénophobe lors d’un incident en octobre.
Une scène choquante s’est produite à Bordeaux, au sein de l’un des cafés-restaurants emblématiques de la ville, Le Régent. Vingt-et-un employés ont porté plainte contre leur patron pour des insultes et propos à caractère raciste et xénophobe. L’affaire, révélée par Mediapart, secoue cet établissement historique de la place de la Comédie.
Le 6 octobre, Daniel Marion, propriétaire du Régent, est arrivé vers 16 heures, après un repas d’affaires, visiblement en état d’ébriété. Selon plusieurs témoins, il aurait été "pompette" et aurait alors perdu son calme.
Xavier, un serveur d’origine guadeloupéenne âgé de 42 ans, raconte : "Il a littéralement pété un plomb. Il a commencé à dire qu’il était envahi par les étrangers, qu’il y avait trop de Noirs et d’Arabes dans son établissement, et qu’il allait remettre de l’ordre pour tout blanchir.".
La scène, qui s’est déroulée devant les clients et les salariés, a duré de longues minutes. Xavier affirme avoir entendu son patron prononcer : "Tu dois aller sucer des Blancs pour être mon ami." et déclare : "Il a dit ça en se pissant dessus. On a des vidéos de ça."
De son côté, Amine, le directeur d’exploitation d’origine sénégalaise, témoigne également : "Il m’a dit que ce n’est pas un petit Arabe qui va lui apprendre à gérer une entreprise, avant de lâcher toutes ces propos racistes."
Depuis cet incident, plusieurs employés souffrent de stress post-traumatique et ont dû prendre un arrêt maladie. Xavier confie : "Ça m’a ramené trente ans en arrière, quand on te disait quel Noir tu devais être ou qu’on t’aimait bien toi, mais pas les autres Noirs. Je pensais que les choses avaient évolué. Hors de question qu’on se taise."
Plaintes et soutiens
Le 30 octobre, 17 salariés accompagnés de leur avocate, Me Anne-Charlotte Moulins, ont déposé plainte au parquet de Bordeaux. Quatre autres les ont rejoints par la suite, portant à 21 le nombre d’employés du Régent qui accusent leur patron d’avoir proféré des injures à caractère raciste, et xénophobe.
L’affaire commence à susciter un soutien large. Le Défenseur des droits et l’Inspection du travail ont été saisis. Le 5 novembre, les salariés ont été reçus à l’Hôtel de Ville de Bordeaux par Olivier Escots, adjoint au maire chargé de la lutte contre les discriminations.
La Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) a annoncé qu’elle se constituera partie civile dans cette procédure.
“Trou noir”
Concernant le propriétaire, Daniel Marion, également à la tête du Café de l’Olympia à Paris et du Majestic à Saint-Jean-de-Luz, il n’a pas souhaité s’expliquer directement.
Son avocat, Me Fabien-Jean Garrigues, indique dans une communication écrite : "Mon client n’a aucun souvenir du déroulement de l’après-midi du 6 octobre, un trou noir d’environ 16 heures." L’avocat ajoute que Daniel Marion ne sait même pas comment il est rentré chez lui, évoquant une possible perte de contrôle ou une consommation de drogue : "Il émet l’hypothèse d’avoir été drogué tant l’attitude et les propos qui lui sont attribués sont incompatibles avec sa nature et sa personnalité."
Cette hypothèse, cependant, suscite le scepticisme parmi les salariés, Xavier réagissant avec ironie : "On se rend compte qu’au final, certains peuvent déverser ce genre de propos et se cacher derrière un “j’ai trop bu” ou “on m’a drogué”. C’est un peu fort de café."