France: selon une rabbine, interdire le voile islamique est une dérive “illibérale”
Dans une tribune publiée par Libération, la rabbine Myriam Ackermann-Sommer critique la volonté du Rassemblement national d’interdire le voile islamique dans l’espace public
Dans une tribune parue mardi dans Libération, la rabbine Myriam Ackermann-Sommer répond directement à Jordan Bardella qu’elle avait déjà interrogé en juin lors d’un débat télévisé sur LCI.
Le Rassemblement national multiplie les déclarations pour l’interdiction du port du voile islamique dans l’espace public. Le président du Rassemblement national est revenu sur cette question le 6 novembre dans une émission spéciale sur BFMTV.
Par voie de tribune, la normalienne et docteure en littérature lui répond et dénonce une “conception profondément illibérale de la société”, dans laquelle l’État s’arrogerait le pouvoir de dire quels signes religieux sont acceptables.
La rabbine juge que la volonté annoncée du président du RN d’interdire “uniquement le voile islamique”, qu’il présente comme une “affirmation d’un projet politique”, constitue une position arbitraire, floue et juridiquement infondée.
“Aucun texte de loi français [...] ne permet de cibler précisément ledit “voile islamique””, rappelle-t-elle, soulignant que la loi de 2010 vise uniquement la dissimulation du visage, sans dimension religieuse.
La démocratie libérale remise en question par le RN
Ackermann-Sommer interroge la faisabilité d’une telle interdiction : comment distinguer un voile porté pour des raisons spirituelles d’un voile perçu comme politique ? Pour la rabbine, ce discours révèle une inversion des principes de la démocratie libérale. Là où l’État devrait garantir la liberté de conscience, le projet du RN reviendrait à restreindre cette liberté au nom d’un ordre idéologique : “La démocratie n’est pas le règne de la majorité sur les consciences – c’est la protection de chacun contre l’arbitraire.”
Dans sa tribune, elle refuse aussi l’idée que des signes religieux pourraient être jugés acceptables ou non selon la confession à laquelle ils renvoient.
Elle rappelle que, bien qu’étant juive, elle porte également un couvre-chef religieux dans l’espace public, tout comme certaines chrétiennes. C’est pourquoi elle se sent concernée au premier chef par une interdiction qui, sous prétexte de cibler “l’islam politique”, risque de généraliser une méfiance à l’égard de toute visibilité religieuse.
Elle met en garde contre une dynamique liberticide : ce qui est interdit aujourd’hui à une catégorie pourrait demain l’être à d’autres.
La tribune se termine par un plaidoyer pour la défense des droits des minorités religieuses. “Ce qui est en cause, ce n’est pas un simple bout de tissu. C’est la capacité de la démocratie à protéger ses minorités.”
L’extrême-droite utilise le voile à des fins électorales
À l’approche des échéances électorales, le débat autour du voile reste l’un des marqueurs les plus instrumentalisés par l’extrême droite.
Le Collectif contre l’islamophobie en Europe a recensé 828 signalements d’actes islamophobes en 2023, contre 527 en 2022, soit une hausse de 57 %. Parmi ces signalements, plus de 80 % visaient des femmes. Ces données soulignent à quel point les femmes musulmanes, en particulier celles qui sont identifiées comme croyantes, demeurent les premières cibles des actes islamophobes en France.