Macron et Zelensky tournent la page de "l'humiliation" (Reuters)

"Nous avons tourné la page" : le président ukrainien Volodymyr Zelensky a tiré un trait sur la polémique que son homologue français Emmanuel Macron avait déclenchée en appelant à "ne pas humilier" la Russie.

"La relation est transparente et franche avec le président Macron", a-t-il dit jeudi dans les jardins de la présidence ukrainienne au côté du président français, du chancelier allemand Olaf Scholz, du Premier ministre italien Mario Draghi et du président roumain Klaus Iohannis.

Le président ukrainien a préféré se féliciter que les quatre dirigeants européens se disent prêts à accorder "immédiatement" à l'Ukraine le statut de candidate à l'UE.

"C'est un résultat historique", a-t-il lancé en espérant que les 23 autres Etats-membres de l'UE se rallient derrière cette position au sommet européen des 23 et 24 juin.

Les deux dirigeants, qui se connaissent bien - Emmanuel Macron avait été l'un des premiers à recevoir l'ex-acteur alors candidat à la présidence - ont affiché durant la visite leur complicité devant les photographes, entre accolades et solides poignées de main.

Paris relativise aussi les tensions survenues. "Ils se parlent au téléphone sans prendre de rendez-vous", souligne une source diplomatique française, pour qui les déclarations du chef de l'État n'ont jamais été "un problème dans la conversation".

Emmanuel Macron a fait couler beaucoup d'encre en appelant à ne pas céder à la "tentation" de "l'humiliation" envers la Russie.

Canons Caesar

Le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba avait alors répliqué que de tels propos ne pouvaient "qu'humilier la France".

Le président français s'est longuement expliqué depuis Kiev, soulignant que ses propos visaient le moment où la guerre serait finie et où il faudrait négocier une nouvelle architecture de sécurité en Europe.

"Aujourd'hui, la Russie fait la guerre à l'Ukraine. Comment voulez-vous que j'aie à expliquer à un Ukrainien ou une Ukrainienne +il ne faut pas humilier la Russie, la Russie, le peuple russe, pas ses dirigeants+ ?", a-t-il lancé.

"Aujourd'hui, il faut gagner cette guerre. La France est clairement en soutien de l'Ukraine pour qu'elle l'emporte", a martelé Emmanuel Macron.

Il a annoncé à cette occasion l'envoi à l'Ukraine de six canons Caesar supplémentaires, fleuron de l'artillerie française, au-delà des douze déjà déployés face aux Russes.

"Mais à la fin de cette guerre (..) il ne faudra pas faire les fautes que d'autres ont faites par le passé", a-t-il insisté en référence à l'esprit de revanche face à l'Allemagne vaincue en 1918.

Il faudra alors construire une "paix durable" en Europe, dans laquelle la relation de l'Ukraine avec l'Otan, sa potentielle neutralité, seront mises sur la table, tout comme les dommages de guerre ou la condamnation des crimes de guerre russes, souligne-t-on de source diplomatique française.

En mai, le président ukrainien avait aussi reproché à son homologue français de vouloir ménager une "porte de sortie" à Vladimir Poutine, en lui offrant des "concessions".

Parler avec Poutine ou pas

Pas de concession territoriale à la Russie, pas de fait accompli obtenu par la force militaire : "Ce n'est jamais ce que nous avons fait, ni d'accorder quelques concessions, ni de négocier quelques concessions", a insisté le président français.

Volodymyr Zelensky a aussi dit douter de l'intérêt de parler, comme son homologue français le fait, au président russe, Vladimir Poutine, en vue de mettre fin à la guerre en Ukraine.

"Je ne suis pas sûr qu'il y ait une possibilité que le président de la Fédération de Russie soit prêt à entendre quoi que ce soit", a-t-il affirmé.

Très impliqué dans la crise ukrainienne, M. Macron est l'un des rares dirigeants à échanger régulièrement avec le maître du Kremlin - ce qui suscite l'incompréhension dans l'Est de l'Europe - et à faire le lien avec le président Zelensky.

"Aujourd'hui, on voit bien que l'évolution sur le terrain ne le justifie pas", a admis le président français, alors que les Ukrainiens encaissent de lourdes pertes face aux assauts des forces russes dans le bassin minier du Donbass.

"Je n'exclus pas pour autant de le faire" sur des sujets d'urgence comme la sécurité alimentaire, a-t-il relevé, en référence aux céréales ukrainiennes coincées par un blocus russe dans le port d'Odessa, au risque de provoquer des pénuries en Afrique ou au Moyen-Orient.

AFP