La France penche vers un durcissement de sa politique sur l'immigration (Getty Images)

Fidèle au diptyque revendiqué "humanité" et "fermeté", le ministère français de l'Intérieur l'assure, "la ligne est toujours la même": "juger les étrangers pour ce qu'ils font et non ce qu'ils sont. Un étranger qui commet des actes de délinquance graves doit quitter le territoire, mais un étranger qui travaille, s'intègre, apprend le français, a toute sa place".

Après avoir égrainé les mesures à venir les plus répressives durant l'été, Gérald Darmanin a semblé rechercher cet équilibre mardi en proposant notamment de "change(r) la loi" pour que certains travailleurs sans-papiers puissent demander eux-mêmes leur régularisation, ce que seul l'employeur peut faire dans de nombreux cas.

Le ministre a aussi dévoilé l'une des principales mesures du texte en préparation: prononcer une mesure d'expulsion dès le rejet d'une demande d'asile en première instance, sans attendre un éventuel recours.

La future loi, qui doit être présentée début 2023, doit faire l'objet d'une concertation puis d'un débat parlementaire à l'automne.

Avant même ces discussions et les grandes lignes d'une réforme dévoilées la semaine dernière par le président Emmanuel Macron, un projet de texte a été présenté lors d'une réunion interministérielle cet été.

Ce document de vingt pages qui a fuité présente une quinzaine de mesures déjà rédigées sur le plan législatif.

Il s'agit, pour beaucoup, de mesures destinées à faciliter les éloignements des étrangers en situation irrégulière ou ayant commis des délits et crimes.

Le gouvernement souhaite ainsi passer d'un à trois ans la durée pendant laquelle une obligation de quitter le territoire français permet "l'assignation à résidence" ou "le placement en rétention".

Réduire les recours

Il entend aussi ramener à quinze jours le délai pendant lequel un étranger peut quitter volontairement le territoire, sauf cas particuliers, au lieu d'un mois actuellement.

L'ébauche contient également un volet destiné à réformer les procédures d'asile, dans le double but d'accélérer les délais de traitement et d'expulser plus rapidement ceux qui n'obtiendront pas le statut de réfugié.

Le gouvernement veut aussi "généraliser le juge unique" à la Cour nationale du droit d'asile, juridiction d'appel qui étudie aujourd'hui la plupart des dossiers en formations collégiales.

Le texte prévoit également la "déconcentration" des instances de l'asile, dont des agents seraient répartis au sein de "pôles territoriaux". L'objectif: "faciliter les démarches" dans un "lieu unique" et, in fine, parvenir à "un traitement plus rapide des demandes manifestement infondées".

Ces mesures doivent s'accompagner d'une réforme du contentieux des étrangers, qui représente 40% de l'activité des tribunaux administratifs, "en réduisant le nombre de procédures (...) de 12 à quatre".

Le gouvernement veut aussi criminaliser plus durement les réseaux de passeurs, dont les têtes pourront être condamnées à des peines allant jusqu'à vingt ans d'emprisonnement (contre cinq à dix actuellement) ou encore "rendre possible le refus ou le retrait de certains titres de séjour (...) en cas de rejet des principes de la République".

"Tout ce qu'on va faire, c'est enlever des droits aux uns, notamment aux demandeurs d'asile, pour en donner aux autres, comme les travailleurs immigrés", observe Matthieu Tardis, qui dirige le Centre migrations et citoyennetés de l'Ifri (Institut français des relations internationales).

Certaines dispositions pourraient "se heurter au droit sans régler la question migratoire", juge pour sa part Pierre Henry, président de l'association France fraternités.

"Quel est l'objectif de cette énième réforme?", interroge-t-il. "On n'est plus dans +humanité et fermeté+, mais plutôt dans +fermeté et fermeture+."

AFP